Conférence
Les Santons à la veille de la conquête - Approche archéologique
L'archéologue Guilhem Landreau a présenté le 5 février 2019 le résultat des connaissances archéologiques actuelles sur le peuple gaulois qui a occupé la région de Saintes avant la conquête romaine. La conférence était organisée par le service Ville d'art et d'histoire de Saintes dans le cadre du programme « une année à Mediolanum ». Les traces d'occupation des Santons remontent aux IIème et Ier siècle avant notre ère et ce sont eux qui ont donné leur nom à Saintes et à la Saintonge.
Par Romain CHARRIER - Publié le 7 février 2019
Guilhem Landreau, archéologue à l'INRAP, devant les fours gaulois découverts en 2017 sur le cours Genet à Saintes
L'archéologue rappelle en préambule que les Santons sont cités dans les récits de la Guerre des Gaules de Jules César à trois reprises. D'abord en -58 en lien avec la migration des Helvètes qui déclencha la guerre. Dans un deuxième temps en -56 où ils fournissent aux troupes romaines des navires (et des hommes ?) pour la bataille contre le peuple armoricain des Vénètes. Puis en -52 où ils envoient un important contingent (12000 hommes) à l'armée de secours pour aider Vercingétorix sur la bataille finale d'Alésia. Puis c'est le géographe Strabon en 17 de notre ère qui parle le premier de Mediolanum (Saintes), qualifiant la cité de capitale des Santones.
La campagne et le littoral Santon
L'occupation du peuple gaulois des Santons date de la Tène finale (dite Tène D, entre 150 et 30 avant notre ère). Leur présence est importante en zone rurale, avec de nombreuses fermes à enclos fossoyés destinées la culture et à l'élevage. Très peu ont été fouillées, mais l'archéologie aérienne et la prospection pédestre permet de les recenser. L'une des richesses exploitées par les gaulois est celle du littoral, avec la pêche, le ramassage des coquillages et surtout l'exploitation du sel. Pas moins de 200 fermes gauloises ont été recensées sur l'ancien littoral Santon exploitant le sel (production de pains de sel pour l'exportation). L'archéologue parle du "pétrole" de l'époque, le sel étant l'unique moyen de conservation des aliments. C'était une véritable richesse économique, probablement sujet à convoitise, voire à conflit.
Les agglomérations gauloises
Certaines agglomérations sont connues sur le territoire Santon. Muron, entre Rochefort et Surgères, était une agglomération ouverte, sur 8 à 12 hectares, avec une forte concentration d'habitat en bordure de l'ancien littoral, desservie par au moins une voie gauloise. Plus au sud, le promontoire de Vil-Mortagne à Mortagne-sur-Gironde était un oppidum secondaire d'une quinzaine d'hectares. Il a été étudié ces dernières années et a révélé une occupation des IIème et Ier siècle avant notre ère, avec une activité artisanale et commerciale, et surtout la présence d'une probable zone portuaire. L'emplacement est stratégique pour le transit fluvial et maritime entre la Méditerranée et l'Atlantique via Toulouse et la Garonne. L'archéologue révèle également la découverte d'une pointe de flèche de baliste (outil de siège de l'armée romaine) comparable à des pointes découvertes sur des sites connus de batailles de la guerre des Gaules (indice d'un siège de l'oppidum de Vil-Mortagne par les troupes romaines ?).
L'oppidum de Pons
L'oppidum Santon le plus étudié est celui de Pons. Les nombreuses fouilles ont permis de déterminer des zones d'habitat, des voies et surtout le murus gallicus de l'oppidum (le rempart), fouillé en 2008 et 2009 par Guilhem Landreau. L'oppidum faisait une centaine d'hectares, la zone d'habitat est concentrée sur 8 hectares avec une occupation comprise entre 150 et 50 avant notre ère. Le premier rempart est daté de -120 à -90. Il sera reconstruit plus massivement entre -90 et -60. L'abandon de l'oppidum semble dater de -60 à -30.
Une occupation gauloise à Saintes
L'archéologue développe un long chapitre dédié à l'occupation gauloise à Saintes. Il rappelle que Louis Maurin, archéologue saintais qui fait référence depuis plus de 40 ans, a toujours été convaincu que Mediolanum (Saintes) était une création romaine et qu'il n'existait pas de preuve tangible d'une occupation gauloise avant la conquête. D'autres archéologues sont plus nuancés. Christian Vernoux n'excluait pas cette possibilité et Jean-Louis Hillairet est depuis longtemps convaincu du contraire.
Lors du PCR Saintes No Limit de 2014/2016 dirigé par Jean-Philippe Baigl, Guilhem Landreau, en tant que spécialiste de la protohistoire, a été chargé d'étudier la possibilité d'une occupation gauloise à Saintes. Il a réétudié le mobilier archéologique découvert ces dernières décennies, recensé les traces gauloises observées sur les différentes fouilles archéologiques en ville, créé un référentiel typo-chronologique de la céramique gauloise saintaise. Son travail considérable a permis de mettre en évidence des traces d'occupation sur un secteur de 35 à 45 hectares sur les hauteurs de la ville, remontant jusqu'à 80 avant notre ère pour les plus anciennes céramiques. Cette datation a été confirmée en 2017 par la découverte et la fouille par Guilhem Landreau lui-même de deux fours gaulois sur le cours Genet à Saintes (photo en entête), datés de la première moitié du Ier siècle avant notre ère (-90/-70). Il précise que ce modèle de four à alandier unique est identique aux modèles des fours gaulois de la vallée de la Garonne (Mediolanon est dans son prolongement), la plupart situés à proximité d'agglomérations gauloises.
L'archéologue évoque également le site archéologique de "Ma Maison" où des traces d'habitat gaulois avaient été mis au jour sous les vestiges gallo-romains (trous de poteau, sablières basses, voie gauloise). Guilhem Landreau fait un parallèle avec des structures orthonormées similaires observées à d'autres oppida en Gaule, prouvant une organisation de l'agglomération gauloise de Saintes. Il conclut son chapitre en confirmant que Saintes a été gauloise avant d'être romaine, et envisage la création de Mediolanon dès la première moitié du Ier siècle avant notre ère.
Une histoire de famille
L’archéologue termine sa conférence sur « une histoire de famille », celle de Rufus, le gaulois romanisé qui a financé la construction de l’arc romain de Saintes en 18-19 de notre ère. Une des dédicaces du monument retranscrit la généalogie de la famille de l’évergète sur quatre générations. L’archéologue indique que Laurence Tranoy, chercheur et maître de conférences à l’université de La Rochelle, propose une estimation des dates de naissance des membres de la famille : l’aïeul Epotsorovidius pourrait être né vers 100 avant notre ère, Agedomopas vers -80, Catuaneunius vers -50 et Rufus vers -20. Agedomopas (le grand-père de Rufus) serait par conséquent contemporain de la guerre des Gaules. Louis Maurin, reste quant à lui prudent en ne s’aventurant pas dans ce genre d’exercice.
Les connaissances archéologiques sur l'occupation gauloise en Saintonge se complètent au fil des décennies. Sur le territoire des Santons, de nombreuses fermes sont recensées, plusieurs agglomérations sont attestées dont au moins deux oppida. Pour en savoir plus sur les Santons, Guilhem Landreau évoque trois ouvrages en référence : Histoire de l'Aunis et de la Saintonge, des origines à la fin du Ve siècle, par l'archéologue Louis Maurin ; l’Artisanat Antique à Saintes par l'archéologue Jean-Louis Hillairet où il développe ses arguments sur l’occupation des Santons à Saintes ; et l’ouvrage Santones et migrations cimbriques par l’historien Bernard Petit.
Publicité, cliquez pour faire vivre le site :
Article de Romain CHARRIER - 7 février 2019
Conférence de Guilhem Landreau le 5 février 2019 au Gallia Théâtre organisée par le service Ville d'art et d'histoire de la ville de Saintes dans le cadre du programme « une année à Mediolanum ».
Photo en entête : L'archéologue Guilhem Landreau lors des fouilles des fours gaulois du cours Genet à Saintes en 2017.
Histoire de l'Aunis et de la Saintonge :
Des origines à la fin du Ve siècle après J.-C. - Louis Maurin, archéologue - Geste Ed. - 2007
En vente en librairie
L'Artisanat Antique à Saintes - Jean-Louis Hillairet, archéologue
En vente à la SAHCM
Santones et migrations cimbriques - Editions Universitaires Européennes
Bernard Petit, professeur agrégé d'histoire
En vente à la SAHCM ou par l'auteur bemalipetit@gmail.com
Publicité, cliquez pour faire vivre le site :
Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
Actualité
- Restauration de l'amphithéâtre : des retards qui se cumulent
- Bongraine : de l'âge du Fer sous un dépôt ferroviaire
- Epona, une déesse celtique dans les Charentes
- Un livre inédit sur les voies romaines de Saintonge
- Royan : la ligne de défense allemande étudiée à Belmont
- Appel à témoin pour un livre sur les fêtes des arènes
- Deux décennies de fouilles à Saintes
- VIVA SAINTES FESTIVAL, le retour des fêtes romaines
- Une ferme protohistorique à Chaniers
- Une occupation de l'âge du fer sous un dépôt ferroviaire
- Amphithéâtre de Saintes : Deux ans de chantier pour consolider et assainir
- Une vaste nécropole mérovingienne sous la commune de Rom (79)
- Fouilles sous la Tour Maubergeon à Poitiers
- Valorisation des aqueducs : une livraison espérée pour l'été prochain
- Reconstitution d'une barque mérovingienne
- Amphithéâtre, des sondages qui bouleversent les connaissances
- Regain d’intérêt pour les thermes de Saintes
- Casques de gladiateurs à Poitiers
- Les sondages d'Eveha en 2017
- Fouilles amphithéâtre du SAD17
- Restauration de l'amphithéâtre
- Valorisation des aqueducs, les travaux avancent
- Quand Néandertal cuisinait du renne
- Saintes vers 1690, par Jean-Claude GOLVIN
- Fouilles de La Providence, toute l’histoire de Saintes sur un chantier majeur
- Le SAD17 au pied de nos églises
- Epaves de Courbiac, les fouilles s'accélèrent
- Camille de La Croix, Père de l'archéologie régionale
- Conférence de Louis Maurin 2
- Conférence de Louis Maurin 1