Divinité gauloise
Les représentations de la déesse Épona chez les Santons
Épona est une divinité d'origine celtique associée au cheval (epos en gaulois), animal emblématique de l’aristocratie militaire gauloise. Elle est la déesse des chevaux, des cavaliers et de tous ceux qui y sont associés. Souvent représentée avec une patère, une corne d'abondance ou une corbeille de fruits, elle est liée à la fertilité et à l'abondance. Si elle a bien une origine gauloise, aucune statue ni mention ou inscription n'en est faite avant la conquête romaine. Elle sera sous l'Empire reprise dans le panthéon Romain et deviendra la déesse protectrice des troupes de cavaleries auxiliaires romaines, en particulier sur "les Limes" (frontières) du Rhin. C'est le 18 décembre que les Gaulois et les Romains vénèrent cette divinité.
La Saintonge antique est étonnamment riche en représentations d'Épona, avec pas moins de cinq sculptures de la déesse équine qui ont été retrouvées à Saintes, Thaims, Rouillac et Jonzac. Elles sont en calcaire taillé, en bois et en terre cuite, toujours relativement de petite taille, en grande partie destinées au culte domestique. Le contexte des découvertes est dans des comblements de puits, autour d'églises et dans des villae antiques. Deux sont en lien avec des voies romaines.
Par Romain CHARRIER - Publié le 10 août 2014
Représentation de la déesse Epona, exposée dans l'Espace d’Interprétation de la Ferme des Bouchauds en Charente
L'Épona de Rouillac
Une sculpture de la déesse Épona a été découverte à la fin du XIXe à proximité de l'église de Rouillac, près du théâtre antique des Bouchauds et de la voie romaine d'Agrippa. Elle mesure 29,5cm de large, 33cm de haut pour 11cm d'épaisseur. La divinité est représentée de face, les pieds posés sur une sorte piédestal, assise en amazone sur un cheval massif orienté à droite et dont elle maintient les rênes. Elle tient sur ses genoux un petit animal, peut-être un chat selon l'archéologue Pierre Tronche. La sculpture était probablement destinée au culte de la divinité. Elle est exposée au centre d'interprétation de Saint-Cybardeaux (photo ci-dessus). C'est la plus belles représentation de la déesse de l'ouest de la Gaule. Comme toutes les divinités celtiques, elle a été décapitée probablement au IIe siècle de notre ère, pour la désacraliser et lui enlever tout pouvoir.
Les représentations d'Épona à Saintes
Découverte en 1981 dans le comblement d'un puits antique à Port Larousselle, cette sculpture en calcaire, de 17cm de large, 16cm de haut et 6,5cm d'épaisseur, représente un personnage féminin debout et un animal (sabots, poitrail et croupe) rappelant un cheval. L'interprétation d'une déesse Épona n'est qu'une hypothèse, l'état de la sculpture ne permet pas de le déterminer avec certitude. Louis Maurin y voit une Artemis (Diane), déesse gréco-romain de la chasse souvent représentée avec un cervidé. Pierre Tronche penche pour une Épona car les sabots sont, selon lui, bien ceux d'un cheval et d'autres Épona sont représentées dans cette position debout avançant aux côté de l'équidé.
Il a également été découvert à la fin du XIXe, près des thermes de Saint-Saloine, une représentation d'Épona en bois de chêne dans le comblement d'un puits encore en eau, ce qui a permis de sa conserver. Cette sculpture de 15 x 16 x 4cm devait être peinte. Épona y est représentée assise en amazone sur une monture, orientée à droite. Elle est également accompagnée d'un enfant et d'un petit animal. Cette Épona est exposée au musée archéologique de Saintes. Elle daterait du début ou du milieu du IIe siècle.
Une Épona dans la villa gallo-romaine de Jonzac
Lors des fouilles de la villa de Jonzac par l'archéologue Karine Robin, a été mis au jour une petite statuette en terre cuite de 6,5cm de large et 4cm de haut, représentant la déesse Épona vêtue d'une longue tunique. Cette figurine aurait été fabriquée en série dans des ateliers du Centre de la Gaule. Elle a été découverte dans la pars urbana de la villa, avec une autre petite statuette d'une déesse mère, peut-être à l'endroit où se trouvait le laraire de la villa, pour le culte domestique.
L'Épona de l'église de Thaims
Découvert en 1953 en remploi dans les fondations d'un des murs de l'église, ce bas relief partiel de 11,5cm de large, 17m de haut et 5,5cm d'épaisseur représente une Épona vêtue d'une tunique, debout et de face, tenant la bride d'un cheval. Le sens du cheval orienté à gauche est inversé par rapport aux représentations habituelles. Cette Épona est exposée dans l'église de Thaims, elle-même bâtie sur les vestiges d'un bâtiment gallo-romain. L'archéologue Pierre Tronche remarque que la déesse est lovée dans un module et propose comme hypothèse un laraire d'Épona trônant dans l'écurie d'une mansio, un gîte étape situé ici le long de la voie romaine reliant Saintes à Barzan, au croisement avec la Seudre.
Bas relief d'Épona découverte à Thaims, exposée dans l'église de Thaims © Romain Charrier
L’Épona de Port Boinot à Niort
En janvier 2018, les archéologues de l'Inrap ont mis au jour les vestiges d'un sanctuaire antique à Port Boinot à Niort, sur le territoire voisin des Pictons. C’est le deuxième sanctuaire découvert à Niort, après celui du Pain Perdu dans la boucle de Bessac. Les sondages ont révélé une occupation antique du site, du dernier quart du Ier siècle avant notre ère jusqu'au milieu du IIe siècle de notre ère. Des sculptures en calcaire datant de la fin du Ier siècle ont été retrouvées, ainsi que les vestiges d'un édifice. Parmi ces sculptures, une tête sculptée de divinité, la tête d’un cheval et plusieurs autres fragments qui ont permis de reconnaître l’image d’Épona, la déesse des équidés et plus largement des voyageurs. La représentation fait 70 cm de hauteur sur 50 cm de largeur, elle est l'unique Épona découverte sur les Deux-Sèvres. Les divinités de ce sanctuaire ont été intentionnellement décapitées lors de l'abandon du lieu de culte, vers le milieu du IIe siècle, pour leur enlever leurs pouvoirs et les désacraliser, explique Annie Bolle, l'archéologue de l'Inrap à l'origine de la découverte.
Epona découverte en 2018 à Niort © Olivier Drilhon, Niort Agglo
Romain CHARRIER - 10 août 2014 - Maj 03/09/17 - Maj 21/08/2019 - Maj 24/11/2020 - Maj 21/01/2023
Sources :
• Épona, déesse à l'étoile et dieux-masques : considérations sur des figurations particulières de divinités en Saintonge - p 383-408 - 2013-2014 - Pierre Tronche
• Bulletin de la Société Archéologique et Historique de Charente - 2016 - Pierre Tronche
• Magazine Arcades n°28, novembre 2020, Les trois déesses de Port Boinot
• CAG 17/1 Louis Maurin p.302 Épona de Thaims
• CAG 17/2 Louis Maurin p.189 Épona de Saintes
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