Fouilles archéologiques
Sanctuaire des Bouchauds : des fouilles pour comprendre la circulation des fidèles
L'archéologue Lucie Carpentier, doctorante à l’université de Lille, auteure d’une thèse intitulée « Sanctuaire en Gaule romaine et environnement », vient de terminer sa campagne triennale de fouilles du sanctuaire des Bouchauds à Saint-Cybardeaux en Charente. Les fouilles devraient être renouvelées pour une deuxième triennale dès 2020. L’objectif de l’archéologue était de mieux comprendre la circulation des fidèles dans l'ensemble cultuel, et en particulier les accès au sanctuaire depuis l'extérieur.
Par Romain CHARRIER - Publié le 10 août 2019
Vue sur les fouilles des vestiges du portique séparant les deux espaces sacrés du sanctuaire
Les deux espaces sacrés du sanctuaire
Le sanctuaire était divisé en deux espaces sacrées, chacun comprenant deux temples et plusieurs annexes périphériques, le tout entouré des murs de péribole et de galeries de circulation. L'archéologue François Thierry l'avait étudié entre 1978 et 1995, se concentrant sur les quatre temples du sanctuaire. Il avait mis au jour un premier sanctuaire composé d’un temple avec un cella carrée et son pronaos, ainsi qu'un deuxième temple avec une cella octogonale. Dans une seconde phase, un deuxième espace sacré a été construit à l’arrière du premier avec deux fana, des temples carrés de tradition celtique. Un trésor monétaire d'environ 300 pièces avait été découvert sous un des temples du premier espace sacré. Ce trésor serait antérieur à la construction des temples. Les pièces datent de la fin de la République, donc un peu avant Auguste qui a fait construire la voie d’Agrippa qui passe à proximité. Le site n’était toutefois pas utilisé par les gaulois, aucune trace protohistorique n’a été mise au jour sur le site, excepté un emballage de chips à l’effigie d’Astérix retrouvé dans une ancienne fouille des années 80.
Hypothèse de restitution du sanctuaire des Bouchauds par Jean-Claude Golvin
Recherche des entrées du sanctuaire
L’objectif premier des fouilles programmées de ces trois dernières années était d’identifier les entrées du sanctuaire. Elles étaient supposées à l’est face aux deux premiers temples et éventuellement à l’ouest à l’arrière des deux fana du deuxième espace sacré. L'état des vestiges n'a pas permis de déterminer avec certitude l'emplacement des entrées du sanctuaire à l'est et à l'ouest comme elles étaient supposées, mais un niveau de circulation a tout de même été observé à l'ouest à l'extérieur du deuxième espace sacré laissant supposer un accès. Les traces d'une entrée au sud du premier espace sacré a été mis au jour, permettant un accès au sanctuaire depuis l'agglomération située en contrebas de la colline.
Les galeries à colonnade
L’enceinte du sanctuaire était globalement connue, mais n’avait jamais été étudié de manière approfondie. Les fouilles depuis 2016 ont permis d’améliorer les connaissances de ces murs de péribole et même de mettre au jour de nouvelles fondations. L’ensemble est bien plus complexe qu’on ne l’imaginait au départ en raison des nombreuses phases de construction et d’agrandissement du sanctuaire. La difficulté pour l’archéologue est d’arriver à lire l'ensemble de ces murs pour hiérarchiser leurs constructions et ainsi comprendre l’évolution du sanctuaire. La lecture est parfois rendue difficile par la mise en valeur qui avait été faite sur certains murs, perturbant les vestiges avec des maçonneries reconstruites sans cohérence particulière ou avec un béton recouvrant les vestiges et empêchant sa lecture.
Dans l’angle nord-est du deuxième espace sacré a été mis au jour cette année et pour la première fois sur le site, une base de colonne le long d'un mur de péribole et les fondations à quelques mètres d'une probable autre colonne. Ces éléments indiquent que l’espace sacré était entouré d’un portique, une galerie couverte supportée par des colonnes.
L’espace sacré était en terre battue. Lors de la fouille de cette année a été également mis au jour des espaces recouverts d’un hérisson de pierre et d’une couche de calcaire pilé. Ce sol devait correspondre à un espace couvert dans la cour sacrée, dont la fonction n’est pour le moment pas déterminée. Certaines fondations du mur de péribole présentent également des traces d’enduit rouge. Les enduits n’étaient pas exposés aux intempéries, ils correspondent à la décoration murale de l’intérieur des galeries couvertes entourant l’espace sacré.
Des espaces de circulation couverts longeaient donc les murs de péribole, parfois avec une galerie à colonnade, le sol de cet espace de circulation était à certains endroits en calcaire pilé et les murs étaient recouverts d’enduit rouge.
Lucie Carpentier, l'archéologue chargée des fouilles du sanctuaire des Bouchauds
Mur de soutennement
Le sous-sol du plateau où est construit le sanctuaire est exclusivement argileux. Les fouilles, même à plusieurs mètres de profondeur, indiquent qu’il n’y a pas de roche sur ce secteur (décalcification de la roche à une époque géologique lointaine ?). Par conséquent, les fondations du sanctuaire sont à certains endroits très profondes, en particulier au bord du plateau. C’est le cas à l’angle nord-est du premier espace sacré, juste à côté du théâtre. A cet endroit de la rupture de pente, le mur de péribole a connu plusieurs phases d’aménagement, peut-être suite à un effondrement. Le mur de soutènement mis au jour y fait plusieurs mètres d’épaisseur, avec plusieurs phases de construction bien identifiable, le tout soutenu par plusieurs contreforts.
L'avenir des fouilles
La première campagne triennale de fouilles s’achève cette année et sera probablement renouvelée pour trois nouvelles années. L’archéologue souhaite s’intéresser à un bâtiment annexe du deuxième espace sacré : cuisine ou espace de restauration ? Au sud du plus grand espace sacré, le mur de péribole a été observé lors de sondages avec un système complexe de murs dont l'archtecture est presque inédite (seule une architecture similaire a été observée sur un autre site en Gaule Belge). Ce secteur fera l'objet d'investigations approfondies dans les années à venir. A ce jour, seule une petite statuette d’un Mercure avait été mise au jour il y a plusieurs décennies, l'archéologue espère mettre la main dans les prochaines années sur des inscriptions pouvant indiquer quelles autres divinités étaient vénérées ici. Les travail et les mystères à résoudre ne manquent pas pour ces passionnés.
Article Romain CHARRIER - 10 août 2019
Source : Visite commentée par l'archéologue Lucie Carpentier du chantier de fouille du sanctuaire des Bouchauds le 5 août 2019.
Triennale de fouilles 2016/2019 sous la direction de Lucie Carpentier
https://www.sudouest.fr/2019/07/26/ces-vieilles-pierres-qui-parlent-encore-6381905-1075.php
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Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur, passionné par ces sujets et adhérent de la Société d'Archéologie de Saintes.
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