Parallèlement à la recherche ou à la redécouverte de sites connus par des textes, la prospection de grottes et d’abris sous roche permet le repérage et l’identification de nouveaux sites archéologiques, pour la plupart, difficiles d’accès et souvent perdus dans une végétation dense (Fig.14). C’est ainsi que fut découvert en 2009 le site inédit de Kaf Tahr en Cyrénaïque occidentale conservant des gravures rupestres, grâce à Sophie MARINI et Élodie DE FAUCAMBERGE, accompagnées de Nasser KATAB du Département des Antiquités de Cyrène.
L’intérêt de ce site réside dans la rareté des recherches (et donc des découvertes) des zones d’art rupestre dans cette région ; ainsi il n’existe que très peu de sites connus de gravures et de peintures en Cyrénaïque, tant pour les périodes préhistoriques qu’historiques. En effet, Kaf Tahr n’est que le troisième site d’art rupestre découvert – ou en tout cas publié – en Cyrénaïque.
Ensuite, cet abri sous roche est le seul des trois à présenter des gravures appartenant à au moins deux périodes chronologiques différentes : la première série de gravures, réalisée au registre supérieur, et remontant très probablement à l’époque préhistorique, comprend divers animaux (autruche, gazelles, oiseaux) parmi lesquels nous citerons notamment les représentations de deux poissons ; la deuxième série, exécutée au registre inférieur et datant sans doute de l’époque protohistorique, figure une scène de chasse encadrée par un personnage masculin représenté de face (c’est la seule figure pleine, les autres étant toutes détourées) ; ses attributs indiqueraient qu’il s’agit d’un guerrier car il tient une épée et un bouclier. Deux chevaux bridés et sellés complètent la scène. Ces dernières gravures attestent le travail de la métallurgie ainsi que de la domestication du cheval en Cyrénaïque avant l’époque historique.
Le sol ne contenait aucune trace de dépôt humaine ce qui laisse penser que la grotte a été utilisée uniquement pour les gravures et non comme site d’habitat, ce qui semble cohérent avec la difficulté d’accès du site.
KAF TAHR : MARINI Sophie, de FAUCAMBERGE Elodie et KATAB Nasser, « Découverte d’un site d’art rupestre en Cyrénaïque (Libye) : Kaf Tahr », l’Anthropologie, 114, 2010, 275-287.
P R O S P E C T I O N S E N C Y R E N A Ï Q U E
La connaissance de l’occupation de la Cyrénaïque depuis la Préhistoire jusqu’à la conquête arabe se fait par l’étude approffondie de sites, à des endroits bien précis, grâce aux fouilles, mais également sur des espaces géographiques plus grands, grâce à des missions de prospection, menées à la demande du Département des Antiquités, de l’UNESCO, ou comme plus récemment, à la demande du groupe pétrolier Total. Ces missions sont capitales pour connaître des régions encore trop peu explorées et pour nourrir la carte archéologique du pays, élément essentiel pour la compréhension de l’histoire de la Libye dans sa globalité. On peut citer les anciennes prospections pédestres dans la chôra de Cyrène menées par André LARONDE ou dans les vallées de la Syrtique menées par Monique LONGERSTAY. De même, de 2001 à 2004, sous la direction d’Éric PESSARELLI, un important travail de prospections sous-marines dans le port d’Apollonia a permis d’étudier et de relever des structures antiques immergées et de collecter du mobilier archéologique.
Plus récemment, des prospections dans l’arrière-pays en Cyrénaïque ont été réalisées par Sophie MARINI (doctorante Paris IV Sorbonne), qui travaille sur les interactions entre les populations gréco-romaine et libyenne, et par Michela COSTANZI (ATER, Paris IV Sorbonne) sur le littoral, dans le but de comprendre comment les Grecs se sont installés en Cyrénaïque au VIIe siècle av. J.-C. et ont occupé progressivement un vaste territoire dans l’arrière-pays.
P R O S P E C T I O N D E S U R F A C E (Cyrénaïque orientale)
Une importante mission de prospection au sud-est de Derna, a été organisée en 2010 par le groupe Total comprenant plusieurs membres de la mission archéologique française pour l’Antiquité (Gianpaolo NADALINI, Sophie MARINI, Elodie DE FAUCAMBERGE) ainsi que plusieurs membres du Département des Antiquités.
La région prospectée correspond à la partie orientale de la Cyrénaïque constituant une sorte de frontière naturelle entre le Djebel Akhdar et la Marmarique.
Les régions situées plus à l'Est sont en effet steppiques et présentent un intérêt plus restreint en dehors de zones de mouillages et de ports. Mais la région qui part de la mer Méditerranée au nord, et qui s’étend à l’est du golfe de Bomba est intéressante à plusieurs égards et pour plusieurs périodes. Et d’abord pour la Préhistoire de la région, pratiquement inconnue. Ensuite pour la période classique : il y a eu une occupation sédentaire assez dense. Ensuite pour la période arabe car les routes conduisant du Maghreb à l’ouest au Mashrek à l’est ont traversé cette région après avoir coupé par l’intérieur de la Cyrénaïque depuis Soluch, au Sud-est de Benghazi.
Aussi, la découverte de très nombreux sites non seulement préhistoriques (du Paléolithique inférieur au Néolithique) mais également historiques (de la période grecque à la période arabe, avec même des témoins de la seconde guerre mondiale) témoigne de l’importance de la fréquentation de ce territoire. Cette zone géographique, pourtant moins favorable que la partie montagneuse de la Cyrénaïque qui comprend de nombreux oueds, des sources d’eau et une importante couverture végétale, a néanmoins montré des traces d’occupation sur le long terme. De nombreuses structures ont été découvertes : des enclos, des restes d’habitat parfois complexe et très développé, des monuments funéraires et peut-être un temple, ou encore des fortins. Un important matériel archéologique de surface a été collecté (les études sont toujours en cours). La prospection permet d’une part d’avoir un aperçu global de l’occupation archéologique mais surtout de repérer des sites qui nécessiteront à l’avenir d’être protégés, restaurés ou bien fouillés.
Ainsi donc, malgré un aspect apparemment inhospitalier – une zone dépourvue d’arbres et reliefs peu prononcés – la région garde les traces d’un environnement passé plus favorable (nombreux oueds et conglomérats). Cette zone aujourd’hui semi aride offrait les mêmes ressources que le Djebel pour les populations : de l’eau douce, grâce aux oueds - aujourd’hui totalement asséchés - et aux nombreuses dépressions karstiques donnant accès aux nappes souterraines. À partir de l’époque hellénistique, ces conditions favorables ont permis l’installation et le développement d’activités humaines dont la prospection a pu reconnaître et différencier les structures et les productions matérielles. Tous ces éléments mettent nettement en évidence l’hellénisation puis la romanisation de la zone étudiée.
L A G R O T T E D E K A F T A H R (Cyrénaïque)
Parallèlement à la recherche ou à la redécouverte de sites connus par des textes, la prospection de grottes et d’abris sous roche permet le repérage et l’identification de nouveaux sites archéologiques, pour la plupart, difficiles d’accès et souvent perdus dans une végétation dense (Fig.14). C’est ainsi que fut découvert en 2009 le site inédit de Kaf Tahr en Cyrénaïque occidentale conservant des gravures rupestres, grâce à Sophie MARINI et Élodie DE FAUCAMBERGE, accompagnées de Nasser KATAB du Département des Antiquités de Cyrène.
Mission Archéologique Française en Libye
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