Leptis Magna, fondation punique avant de devenir par son lustre, la Rome africaine, fit l’objet de fouilles intensives, principalement de la part des Italiens à partir de 1911, qui permirent de mettre au jour l’essentiel de ses édifices majeurs : citons le théâtre augustéen, l’amphithéâtre à 15.000 places, les grands bains d’Hadrien, le forum et la basilique de Septime Sévère, le grand empereur natif de la ville... À l’inverse de Cyrène qui conserva sa parure monumentale de style grec, Leptis a effacé toute la trame urbaine punique. Sous l’impulsion du professeur André LARONDE, les fouilles sous-marines dans le port antique ont révélé l’existence d’un môle protecteur avancé, maintenant englouti, puis d’un port extérieur muni d’un perré à l’est des grands quais de l’époque de Septime Sévère. Considérant que l’extension de l’activité portuaire à l’est devait nécessairement s’appuyer sur un minimum d’urbanisation, André LARONDE obtint l’autorisation en 1994 d’exécuter des sondages et eut la chance d’atteindre très vite ce que l’on appelle maintenant les « Thermes du Levant », qui sont en cours de fouilles par une équipe dirigée par Michel PAULIN (architecte), Guillaume DAGNAS (archéologue) et Michel BONIFAY (céramologue).
Les thermes sont constitués de deux ensembles distincts mais connectés, s’étendant sur près de 1500 m2 et conservés sur une hauteur exceptionnelle de plus de 6 m de hauteur par endroits. Une large voie à portique constituée de colonnes en calcaire suit le rivage tandis qu’une fortification romano-byzantine relie le port à l’amphithéâtre et au cirque à l’est. Dans la partie dégagée, la voie dessert diverses pièces qui se développent en profondeur vers le sud et devaient être des locaux commerciaux et artisanaux. Ils sont flanqués à l’ouest par la salle dite « aux quatre colonnes » servant de vestibule d’entrée aux thermes (Fig.13). Cette salle était décorée à l’origine d’un sol en mosaïque et de murs peints, merveilleusement bien illustrés par un chasseur se reposant à l’ombre d’un portique distyle et son cheval attaché à la branche d’un arbre. Lors d’une seconde période, le sol et les murs furent plaqués de marbre gris-vert. Le complexe balnéaire répond aux canons de l’architecture thermale romaine. On rencontre donc successivement, une fois franchi le vaste mur courbe qui clôt le vestibule, une grande salle rectangulaire munie de deux piscines à chacune de ses extrémités qu’on peut identifier comme la pièce froide (frigidarium), puis deux salles mitoyennes qui sont manifestement des salles tièdes (tepidarium) ; au-delà s’étend une vaste salle rectangulaire, où il faut sûrement voir la pièce chaude (caldarium) avec ses baignoires. À ces locaux basiques viennent s’adjoindre d’autres petites salles ainsi qu’une rare machine élévatrice d’eau fonctionnant avec une roue d’environ 5 m de diamètre, conçue selon le système des norias, que maintenaient deux piédroits à renfoncements permettant de baisser ou d’élever la roue en fonction du niveau de l’eau conservée dans les citernes souterraines. L’eau ainsi puisée s’écoulait à l’intérieur d’un bassin situé en hauteur, permettant de donner plus de pression dans les canalisations en direction des salles thermales.
Au final, la fouille des Thermes du Levant à Leptis Magna a fait apparaître quatre phases principales d’occupation.
Les sols les plus anciens de l’édifice datent de l’époque républicaine et/ou augustéenne, avec des entrepôts occupés jusqu’au début de l’époque antonine (phase 1). Les thermes, eux, n’auraient fonctionné que dans le deuxième quart du IIe ap. J.-C., contemporains des grands bains d’Hadrien. Sous Septime Sévère (193-211), le bâtiment a subi de profondes modernisations, un changement d’itinéraire des salles et surtout on assiste à la marmorisation générale des sols et des murs des pièces. Certaines portes sont alors murées, d’autres percées pour mettre l’édifice en conformité avec les pratiques balnéaires nouvelles. L’activité thermale semble péricliter rapidement dès la seconde moitié du IIIe siècle peut-être à cause d’un terrible tremblement de terre (phase 2).
Une phase de reconversion commence aussitôt avec au nord, des ateliers convertis en entrepôts, à en juger notamment par des indices de commerce du vin. Plusieurs salles thermales ont été réaménagées en meunerie et en boulangerie, puis en habitations précaires actives à la fin du IIIe et au IVe ap. J.-C. Les thermes ont été dépouillés de leurs revêtements en marbre qui est alors systématiquement récupéré et réduit en chaux comme l’atteste la découverte d’un four à chaux dans une salle (phase 3).
Le début de l’ensablement du complexe remonte au Ve siècle ; il se poursuivra jusqu’à l’abandon du site au-delà du VIIe siècle. Malgré les démolitions antiques qui ont dispersé une grande quantité d’éléments architectoniques, la mission prévoit un projet de restauration, fidèle au plan d’origine, vu le bon état général de conservation des structures. Cette chronologie est le fruit de l’étude conjointe de la stratigraphie, du bâti et du mobilier céramique.