
Deux décennies d'archéologie à Saintes
A l’occasion des 20 ans de l’Inrap, l'archéologue Jean-Philippe Baigl a présenté lors des Journées Européennes du Patrimoine 2022, une rétrospective sur les chantiers archéologiques les plus emblématiques menés à Saintes par l’Inrap ces deux dernières décennies, 113 opérations archéologiques qui ont permis de mieux appréhender notre histoire.
L'archéologue Jean-Philippe Baigl lors de son exposition pour les Journées Européennes du Patrimoine en septembre 2022 © R.C.
L'Inrap, c’est l’institut national de recherches archéologiques préventives, un établissement public créé en 2002 en application de la loi sur l’archéologie préventive. Pour ses 20 ans, l’opérateur a proposé lors des Journées Européennes du Patrimoine, une exposition sur ses deux décennies de recherches dans la ville de Saintes. Et c'est Jean-Philippe Baigl, l’archéologue de référence de ces deux dernières décennies, qui en a fait la présentation.
Une nécropole paléochrétienne rue Massiou, des mosaïques carolingiennes sous la cathédrale Saint-Pierre, des ateliers de potiers gaulois sur le cours Genêt, des voies romaines et un camp néolithique sous la voie rapide direction Royan, l’exposition temporaire est revenue sur l’apport de 20 années de fouilles de l’institution sur la ville. La présentation commençait par une carte de la ville constellée de points marquants les emplacements des différentes fouilles opérées par l’Inrap depuis sa création. « 113 diagnostics et fouilles préventives répartis sur les deux rives de la ville, explique l’archéologue Jean-Philippe Baigl. Même si on sait où se trouvent les nécropoles ou les quartiers artisanaux, c’est toujours intéressant de faire de nouvelles fouilles pour en apprendre plus ». C’est par exemple sur le cours Genêt que les archéologues ont pu découvrir deux fours de potiers gaulois qui ont prouvé en 2017 que Saintes a été gauloise avant d’être romaine.
Du mobilier archéologique inédit
Quelques vitrines exposaient du mobilier archéologique jamais présenté au public jusqu’à présent, telle que la semelle en cuire cloutée découverte en 2004 dans les fondations de l’arc romain, ou une amphore africaine du IVe siècle dans laquelle l’archéologue a exhumé les restes d’un enfant lors d’une fouille sur la rue Massiou. Outre des céramiques funéraires, les restes d'un seau de puits, une intaille en pâte de verre, une clé, une fibule, un petit autel calcaire, on pouvait aussi découvrir les fragments d’une plaque de marbre évoquant un mystérieux CAIVS, mise au jour dans les niveaux antiques de la fouille de La Providence ou encore les fragments d'une très rare bouteille en verre à usage aristocratique, découverts dans un dépotoir carolingien, prouvant l'existence d'un château sur les hauteurs de la ville dès le haut moyen-âge.
Un point de vue scientifique
Si tout le monde se rejoint sur la nécessité de la création d'un véritable musée archéologique à Saintes pour y exposer toutes ces richesses, les points de vus divergent sur la façon de le faire. L'association Médiactions met en avant un point de vue touristique en militant auprès des élus et des habitants pour qu'il se fasse sur le site Saint-Louis (collectif disponible sur ce lien). Une réunion d'étape est d'ailleurs prévue le 21 octobre pour faire le point sur ce dossier. Selon l'archéologue Jean-Philippe Baigl, Médiactions prend le problème à l’envers. « Avant de se poser la question de l’endroit où installer le musée, il faudrait travailler sur le fond et se poser la question du contenu. Les richesses archéologiques sont importantes à Saintes, il faut en premier lieu savoir ce qu’on souhaite en faire, ce qu’on souhaite mettre en avant et comment on a envie de le préserver, avant de savoir où les exposer ». Un point de vue scientifique pas forcément compatible avec celui des associations militantes.
En attendant, l'archéologue avoue être agréablement surpris du nombre important de visiteurs durant le week-end des Journées du Patrimoine, preuve selon lui de l’intérêt du public pour découvrir notre riche histoire, peut-être un indicateur du succès à venir du futur musée archéologique.
Les étapes avant un nouveau musée
Concernant la création d'un nouvel espace muséal, un document d’orientation scientifique et culturel va être réalisé, première étape indispensable, ainsi que la création d’un centre de conservation qui sera aménagé dans l’ancien magasin Lidl que la Ville vient d’acquérir. Ce bâtiment commercial de plus de 1300 m², idéalement situé au bout de l’avenue de Nivelles, à proximité de la rocade, a été négocié à 750 000 €, montant inférieur à l’estimation des Domaines. « L’avantage, précisait le Maire Bruno Drapron lors du conseil municipal du 19 mai, c’est que le bâtiment est déjà construit. On se saisit de l’opportunité pour pouvoir avancer rapidement pour l’aménagement du Centre de Conservation et d’Etude (CCE) ». Les études indiqueraient que l'ensemble des collections stockées à Lormont, à la Trocante, mais aussi les beaux-arts conservés au Présidial pourraient y être accueillies. Des travaux d’adaptation seront à prévoir, mais bien moins coûteux que le réaménagement de l’ancienne Trocante initialement prévu. Un scanner dernière génération avait également été évoqué pour numériser en 3D l'ensemble des collections lapidaires, en partenariat avec le CNRS, l'Université Bordeaux-Montaigne et la DRAC, et ainsi accélérer le dossier du musée.
Article Romain CHARRIER - 20 septembre 2022