
Une barque mérovingienne reconstituée à Tonnay-Charente
La reconstitution est réalisée sur le modèle de deux épaves découvertes en 2011 et étudiées par les plongeurs de l’Arepmaref dans le lit de la Charente, au Priouté à Port-d’Envaux (17). Le chantier est réalisé par une dizaine de bénévoles, avec le soutien de la Drac et l’aide des apprentis de l’IMPRO de Tonnay-Charente. Deux ans de travail devraient être nécessaires pour sa construction.
Le facsimilé à l'échelle 1/5e de la barque mérovingienne du Priouté reconstitué en 2018 © Philippe César
Les barques du Priouté sont mérovingiennes, autour de 600 de notre ère. Elles sont en bois de chêne, assemblées sans clous, uniquement avec des gournables (chevilles en bois). Avec leurs 7 mètres de longueur, elles devaient peser 4 tonnes chacune et ont été fabriquées pour être solide et supporter d’importantes charges. Elles pouvaient naviguer sur le fleuve et peut-être même en mer pour du cabotage et devaient servir au transport de pierres, de bois, de poteries, de carrelage, de vin, de sel.
Un facsimilé a été fabriqué en 2018 à l’échelle 1/5e à l’IME de Tonnay-Charente, dans le cadre d’un projet d’archéologie expérimentale destiné à mieux comprendre la fonction et la conception de ces navires du haut moyen-âge. La deuxième phase du projet qui a débuté en septembre dernier est une reconstitution à l’échelle 1. La sole est terminée et les premières membrures sont déjà posées. Deux ans de travail devraient être nécessaires pour sa construction.
La Saintonge mérovingienne
Philippe Duprat, président de la Société de géographie de Rochefort, a présenté un regard archéologique sur le haut moyen âge saintongeais, lors d’une conférence organisée à Tonnay-Charente courant novembre, afin de remettre les barques mérovingiennes dans un contexte historique. Cette discrète période est de mieux en mieux appréhendée grâce à l’archéologie de ces dernières décennies. Si les villae gallo-romaines ont laissé de nombreuses traces, l'occupation du haut moyen-âge est beaucoup moins spectaculaire avec ses trous de poteaux, silos et sarcophages, et surtout plus difficiles à interpréter. Les Wisigoths, qui ont occupé le sud-ouest de la Gaule pendant un siècle avant de se faire chasser par les Francs mérovingiens au tout début du VIe siècle, ont laissé encore moins de traces.
Le conférencier énumère les nombreuses villae du territoire, en particulier celles qu’il a fouillé pour la Société de géographie de Rochefort (Pépiron à Saint-Just, le Renfermis à Soubise, Les Chapelles à Port des Barques) en indiquant qu’elles ont toutes connues une occupation continue pendant le haut moyen-âge, sous les wisigoths comme sous les mérovingiens. C’est alors que les villae ont évolué en villagium, avec des bâtiments qui sont reconstruit avec murs de moins bonne qualité, des extensions en matériaux périssables qui laisseront comme traces les fameux trous de poteaux. C’est à ce moment-là aussi que le dominus (le propriétaire gallo-romain) évoluera vers une genèse de seigneur local, annonçant la future féodalité. Plus tard, sous les carolingiens, ce qui restera des villae sera abandonné au profit d’un nouveau modèle d’habitat fortifié plus adapté aux périodes de troubles (en partie ceux liés aux incursions vikings), la motte castrale des VIIIe et IXe siècles. Mais c'est une autre histoire.
Saintes au bas empire et au haut moyen âge
De son côté, la principale ville de Saintonge, MEDIOLANVM SANTONVM (Saintes) aura connu un déclin déjà depuis le milieu du IIe siècle. A la fin du IIIe, c’est tout l’Empire qui est en crise avec les incursions des « barbares » sur les Limes du Rhin. Les villes se parent alors de fortification jusqu’au début du IVe siècle, non pas à la va-vite pour se protéger des barbares comme on a pu l’imaginer au XIXe siècle, mais avec des remparts à la finition soignée. Une quarantaine de ville en Gaule sont fortifiées, y compris Saintes, probablement sous l’empereur Dioclétien. Saintes se réduit alors sur une surface d'à peine 16 hectares (cf illustration de Jean-Claude Golvin ci-dessous). La province connaîtra un regain de prospérité au IVe siècle comme en témoigne le poète Ausone. Il n’y aura pas de choc de civilisation à l’arrivée des Wisigoths, qui prendront possession du territoire au Ve siècle avec l’assentiment de l’Empire, et s’assimileront à la population, avant de se faire chasser par les Francs un siècle plus tard à la bataille de Vouillé, en 507. Commence alors le règne mérovingien avec son premier roi Clovis.
Le conférencier précise que la christianisation en Saintonge a dû être tardive, pas avant le IVe siècle. La première église de Bordeaux daterait de 314, la plus ancienne de Poitiers de 350. Dans les campagnes le phénomène n’a pas dû arriver avant les Ve ou VIe siècles selon Philippe Duprat. Le plus ancien témoignage d’Eutrope à Saintes remonte au dernier quart du VIe siècle et le caveau d’Euteopius est roman, comme l’a confirmé l’épigraphie. Les céramiques paléochrétiennes découvertes dans les villae en Saintonge apparaissent à partir des Ve et VIe siècles.
Article Romain CHARRIER - 4 décembre 2021
Conférence du 19 novembre 2021 autour de la barque mérovingienne à Tonnay-Charente, par Philippe Duprat de la Société de Géographie de Rochefort
Photo d'illustration : Reconstitution de la barque mérovingienne à l'échelle 1/5e © Philippe César