La tombe gauloise de TESSON 

C'est en 1876 qu'un paysan met au jour dans son champ une sépulture ancienne que les antiquaires de l'époque vont qualifier d'antique. Louis Maurin va en 1978 réétudier les éléments découvert (une épée avec une poignée anthropomorphe, des amphores italique, une agrafe de ceinture, un bracelet, des anneaux, une rouelle et des passe-rênes, des éléments de roues d'un char) pour affiner la datation à la fin de la période de l'indépendance gauloise, voire à la Guerre des Gaules.

Épée d'apparat à poignée anthropomorphe découverte à Tesson et exposée au musée de Saint-Germain-en-Laye

Une tombe à char 

 

Les éléments découverts indiqueraient qu'il s'agit d'une sépulture gauloise à incinération. Deux des amphores contenaient des cendres et des restes d'ossements calcinés (urnes cinéraires ?). Les ossements d'animaux (sanglier ou porc) indiquent la présence d'offrandes animales et les amphores, des offrandes vinaires. Le dépôt d'armes (char, glaives brisés, agrafe de ceinture, épée anthropomorphe) indiquent qu'il s'agit de la sépulture d'un personnage important (guerrier ou aristocrate ?). Les anneaux, la rouelle, le passe-rênes, les éléments de roues indiquent la présente d'un char gaulois. C'est la seule tombe gauloise connue sur le centre-ouest de la Gaule. L'épée anthropomorphe est exceptionnelle dans la région, mais n'est pas la seule connue. Une épée similaire avait été découverte à quelques kilomètres à Saint-André-de-Lidon, constituant les deux seuls exemplaires de la Gaule de l'ouest. 

 

Le contexte et le mobilier découvert

 

Septembre 1876, un paysan extrait des pierres de son champ sur la commune de Tesson et met au jour une sépulture ancienne dans une fosse. L'abbé Richard et l'abbé Laferrière livrent alors une description des fouilles et des objets trouvés dans l'excavation, concluant à une riche sépulture d'origine antique. Les fouilles sont menées sans méthode scientifique et beaucoup d'objets sont rapidement dispersés. C'est l'archéologue Louis Maurin qui reprend l'analyse des données et propose dans sa thèse Saintes antique en 1978 une datation plus précise correspondant à la fin de la période gauloise et à la Guerre des Gaules. Les chercheurs Alain Duval, José Gomez De Soto et Christiane Perrichet-Thomas procèdent à une analyse plus poussée des objets conservés dans les musées (Angoulême et Saint-Germain-en-Laye) et des comptes rendus de l'époque, proposant une interprétation et une datation encore plus précise.

 

Le mobilier le plus exceptionnel est cette arme d'apparat déposée dans la tombe à char, appartenant probablement à un aristocrate guerrier. Cette luxueuse épée à poignée anthropomorphe (à forme humaine) est en alliage cuivreux. La poignée en bronze est terminée par une petite tête humaine avec une coiffure très soignée. Dans la tombe, elle était accompagnée de :

► son fourreau en bronze

► plusieurs autres glaives brisés 

► quinze amphores républicaine importées d'Italie du Nord

► une agrafe de ceinture en alliage cuivreux

► un bracelet en alliage cuivreux

► quatorze anneaux, une rouelle, un passe-rênes

► des morceaux de fer interprétés comme état des éléments de bandage des roues d’un char

► des ossements d'animaux

► des cendres et débris d'os calcinés dans certaines amphores (incinération du défunt ?)

  

Une datation de la Guerre des Gaules ?

 

Les différents éléments découverts dans la tombe ont tous été datés d’approximativement la même période. L'épée anthropomorphe serait de la première moitié du Ier siècle avant notre ère, l'agrafe de ceinture et le bracelet pourrait remonter au début de la Tène finale (après 120/110 avant notre ère), les quinze amphores datent également du début de la Tène finale (dernier tiers du IIe siècle avant notre ère, voire jusqu'au milieu du siècle suivant), les éléments du char correspondent aussi à la Tène finale. Les spécialistes proposent donc une datation de la tombe à la Tène finale, plus précisément au deuxième quart du Ier siècle avant notre ère, soit juste avant ou pendant la Guerre des Gaules.

 

Une tombe tardive en lien avec la migration des Santons ?

 

Les tombes à char sont habituellement plus précoces. Elles apparaissent dans le monde celtique dès le premier âge du fer. Il en existe des centaines principalement concentrées dans la Gaule du nord, de l’est, en Allemagne autour du Rhin et dans la Gaule Belge. La pratique de la tombe à char s’estompe lors de la Tène, celle de Tesson est donc tardive et unique dans le centre-ouest de la Gaule. La seule autre tombe à char dans le sud-ouest est à Boé près d’Agen, également tardive.

 

L’historien Bernard Petit met en lien par comparaison la tombe à char de Tesson avec celles de Rhénanie de la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère, qui correspondent au début des migrations cimbriques. Les Santons ont fait partie de ces migrations de la fin du IIe siècle avant de s'installer en Saintonge. La tombe de Tesson pourrait être celle d’un de ces migrants Santons ou d’un de ses descendants.

Romain CHARRIER - 6 avril 2019

Sources : Commission des arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure 1878 

Saintes antique - Louis Maurin 1978

Aquitania - Actes du VIIIe colloque sur les âges du fer en France non méditerranéenne - La tombe à char de Tesson - Alain Duval, José Gomez De Soto, Christiane Perrichet-Thomas - 1986 - p. 35 à 45

CAG 17/1 - Louis Maurin - p. 299 & 300 - 1999

Amor à Mort - Tombes remarquables du centre-ouest de la Gaule - Musée Sainte-Croix de Poitiers - p.34 à 37 - 2012 - Guilhem Landreau

Santones, migrations cimbriques et peuple Santon - Bernard Petit - p. 295 à 297 - 2016

Histoire de l'Aunis et de la Saintonge, Tome I - Louis Maurin - 2007 - p. 98

Illustration en entête extraite de Amor à Mort - Tombes remarquables du centre-ouest de la Gaule - 2012 - Guilhem Landreau

Méthode d’étude des poignards anthropoïdes de La Tène - France Drilhon, Alain Duval - 1985 - https://books.openedition.org/artehis/21118