Les remparts du Bas-Empire de MEDIOLANVM 

Comme la plupart des villes de Gaule romaine, MEDIOLANVM a connu au début du Bas-Empire Romain un phénomène de transformation radicale par la construction d’une enceinte qui n’englobait qu’une partie de l’agglomération antique. La réorganisation de la ville et l'édification des remparts fait suite à une première phase de contraction de la cité. La ville perd son statut de capitale régionale probablement dans la deuxième moitié du IIe siècle, son déclin administratif et économique entraîne l'abandon des quartiers nord et ouest. Les causes et les dates précises de ce bouleversement ne sont pas clairement établies. 

Illustration de Mediolanum Santonum sous le Haut Moyen-Âge par © Jean-Claude Golvin

Des remparts du tout début du IVe siècle ?

 

On a longtemps cru que les remparts de MEDIOLANVM dataient entre le milieu et le dernier quart du IIIe siècle de notre ère, correspondant aux incursions dites "barbares" des années 270. En réalité cette période correspondrait à la construction de remparts à Rome et dans les cités proches des Limes germaniques dans la Gaule Belge. Ces cités se sont remparées pour se protéger des incursions germaniques. La construction des remparts de Saintes doit être plus tardive, correspondant à une deuxième phase de fortification des cités gallo-romaines au début du IVe siècle. Les archéologues estiment que Saintes est trop loin des Limes pour avoir été victime des incursions de la fin du IIIe siècle et ses remparts sont de bonne qualité et ne semblent pas avoir été construit à la hâte.

 

Alors que la ville ouverte s'étendait sur les hauteurs du plateau, les nouvelles fortifications sont élevées dans la partie basse de la rive droite du fleuve, peut-être autour d’un noyau urbain préexistant et n'englobant qu'une partie infime du plateau. Le rempart était long d’environ 1,5 km et la ville fortifiée - le castrum - de MEDIOLANVM ne couvrait plus que 16 hectares, alors que la ville ouverte couvrait plus d'une centaine d'hectares sur la rive gauche du fleuve sous le Haut-Empire Romain. Des tours de 8 mètres de diamètre devaient être positionnées tous les actus (35 mètres). Le castellum est placé sur les hauteurs du promontoire. Les remparts longeaient l'actuelle place du 11 Novembre (qui a été construit sur le comblement de ses anciens fossés), puis descendait vers le fleuve le long de l'actuel cours National, longeait la boucle de la Charente en reprenant le tracé d'une partie des rues de la Poste, de l'Abreuvoir, la place des Récollets, la rue Aliénor d'Aquitaine, les rues Cuvilliers et Saint-Maur, jusqu'à la place Saint-Louis), pour remonter et englober le promontoire (ancien hôpital Saint-Louis et couvent de la Providence) en reprenant le tracé du cardo maximus, la rue principale d'orientation nord/sud qui devait longer l'ancien forum.

 

Les remparts ont laissé des traces dans la ville, facilement repérable sur les cartes avec la topographie et la toponymie. Les quartiers extérieurs sont alors abandonnés. D’importants monuments, pour certains déjà délaissés (temples, forum, basilique), sont démantelés pour réutiliser les blocs de pierre, souvent sculptés, afin d'édifier le puissant mur d’enceinte haut d'au moins 5 mètres. Ce sont les fondations de ces murs qui sont encore visibles place des Récollets et dans l’enceinte de l’ancien hôpital Saint-Louis.

 

Élaboration du rempart

 

Le remploi de blocs monumentaux issus du démontage des bâtiments publics des Ier-IIe siècles montre qu’au début du IVe siècle, une grande partie de ces infrastructures publiques du Haut-Empire Romain étaient abandonnées. On peut encore voir le soubassement en blocs de grand appareil sur la place des Récollets, qui à l’origine avait une hauteur de plus de 5 mètres pour une épaisseur d’approximativement 4 mètres. Dans ces terrains alluvionnaires instables, situés près de la Charente, les fondations reposaient sur des pieux en bois. 

 

Les nombreuses fouilles du rempart sur le site Saint-Louis depuis le XIXe siècle ont montré qu'il était constitué des blocs antiques remployés sur au moins 5 mètres de hauteur. Il était constitué de deux murs parallèles d'imposants blocs architecturaux, comblé par d'autres blocs à l'intérieur, le tout sur 4 mètres d'épaisseur. Les parties lisses des pierres étaient soigneusement exposées en façade, les parties sculptées étaient cachées à l'intérieur du rempart (voir photo en entête de l'intérieur du rempart évidé lors des fouilles de 1887). Une partie de ce rempart est toujours visible dans l'enceinte de l'ancien hôpital Saint-Louis depuis la rue Bernard.

 

Le rempart flanqué de tours devait avoir un rôle ostentatoire et militaire. Le pont, dans le prolongement de la voie d'Agrippa, fut intégré à cette nouvelle ville et en constituait le passage principal et monumental. Il contribua à la mise en place d’une nouvelle identité urbaine qui allait se pérenniser jusqu’au XVIIIe siècle. Une autre des entrées de la ville remparée était sur les hauteurs de l'actuelle rue Alsace-Lorraine (porte Aiguière). Une troisième entrée était peut-être déjà présente place Saint-Louis (porte Evêque, attestée au Moyen-Âge). La ville médiévale se développera à l'intérieur de cette enceinte. Lors de la christianisation, c’est à l’intérieur du castrum, contre le rempart, que les évêques établirent leur cathédrale, dédiée à Saint-Pierre.

 

Au Moyen-Âge, vers les XIe/XIIe siècle le tronçon oriental (le long de la Charente) fut démoli pour être remplacé par une enceinte située plus près du fleuve, permettant d'agrandir la surface intra-muros de la ville. Lors des fouilles de 1887, de nombreux blocs gravés ou sculptés provenant de monuments publics ou funéraires ont été retrouvés. Aujourd’hui, ils font partie de la collection lapidaire de la ville et témoignent de la qualité de la parure monumentale de ces premiers siècles de notre ère.

 

Les vestiges visibles à Saintes

 

On peut observer les vestiges de ces remparts antiques à deux endroits en ville, place des Récollets près de la Charente et dans l'enceinte de l'ancien hôpital Saint-Louis. La démolition récente de la morgue de l'ancien hôpital de Saintes-17 a permis de libérer la vue sur une partie de ce rempart du Bas-Empire. Les éléments lapidaires (fûts de colonne, chapiteaux, corniches, pilastres...) ont été remployés pour la construction de ce rempart au IVe siècle. 

 

Fondation des remparts du bas-empire, visibles place de Récollets à Saintes

Site Saint-Louis : Le rempart antique

 

Le long de l'enceinte de l'ancien hôpital Saint-Louis et du couvant de la Providence se trouvait le rempart du Bas-empire romain, construit probablement dans le dernier quart du IIIe siècle de notre ère, voire au tout début du IVe siècle. Comme la plupart des villes de la Gaule romaine, MEDIOLANVM a connu au début du Bas-Empire Romain un phénomène de transformation radicale par la construction d’une enceinte qui n’englobait qu’une partie de l’agglomération antique. 

 

Les bâtiments publics des Ier-IIe siècles seront démantelés pour réutiliser les blocs de pierre, souvent sculptés, afin d'asseoir les fondations du mur d’enceinte du rempart. Les nouvelles fortifications, élevées autour d’un noyau urbain préexistant, étaient longues d’environ 1,5 km et la ville fortifiée - le castrum - ne couvrait plus que 16 hectares (contre une centaine sous le Haut-Empire Romain). Les quartiers extérieurs furent abandonnés. 

 

Ce rempart a fait l'objet d'observations très tôt et à de nombreuses reprises. Les plus anciennes mentions remontent à 1609 et 1629 lors de la construction des bastions. En 1763, Pierre Beaumesnil en a restitué un dessin un peu fantaisiste (ci-dessous). Il n'en reste aujourd'hui que le tracé (carte ci-desous), certains éléments sont encore visibles depuis la rue Bernard le long de l'ancienne morgue. Les élements architecturaux en ont été extraits au fil des explorations pour alimenter le fond lapidaire de la ville de Saintes, un temps exposés au musée lapidaire, aujourd'hui enfermés dans les réserves archéologiques de la ville à l'ancienne trocante et au dépôt de Lormont. D'autres traces sont observables place des Récollets près de Saint-Pierre, dans la ville basse.

Photo de l'intérieur du rempart évidé - Site Saint-Louis - Julien Lafferière - 1887

Les fouilles du rempart par l'abbé Julien Lafferrière - 1887/1888

 

En 1887 et 1888, l'administration de l'hôpital Saint-Louis a procédé à la démolition d'une partie de l'ancienne fortification antique qui bordait l'ouest de l'enceinte du site pour le reconstruire avec une moindre épaisseur. L'abbé Julien Lafferrière a participé à ces travaux pour en extraire les blocs les plus prestigieux et alimenter les collections lapidaires de la ville. Il a réalisé plusieurs clichés pour illustrer ces travaux (photos ci-desous). Il a pu noter que le rempart sur le site Saint-Louis faisait près de 4 mètres d'épaisseur, jusqu'à 5 mètres de hauteur, sur 160 mètres de long, entre la rue Cabaudière et la rue Bernard. 

 

Il est constitué de huit assises de blocs de grand appareil soigneusement assemblés pour parementer les faces interne et externe du rempart, comblé par des blocs décorés de toute sorte, des fûts de colonne, des corniches décorées, etc. 67 mètres du rempart ont été démantelés entre la rue Cabaudière et l'entrée actuelle de l'ancien hôpital, ainsi que 15 à 25 mètres de la face sud-ouest du site qui domine la rue Cabaudière. Les blocs sont directement posés sur les vestiges du quartier antique, le long du possible cardo maximus de la cité, au-dessus d'un fossé dit sans fond qui devait border la voie et le trottoir antique.

 

Les fouilles du rempart par l'archéologue Louis Maurin - 1979

 

À l'occasion de travaux de terrassement le long de l'enceinte de l'hôpital Saint-Louis en 1979, l'archéologue Louis Maurin a eu l'opportunité de fouiller 12 mètres du rempart du Bas-Empire, entre la rue Bernard et l'entrée de l'ancien hôpital. Il a pu constater que le rempart était constitué d'une semelle de 3,90m de large posée sur un dallage remployé (provenant du pavage d'une place ou du sol d'un bâtiment), dallage également posé sur les vestiges antérieurs (murs et caniveaux). Au-dessus, quatre assises dont la largeur se réduit avec la hauteur. Les blocs de pierre de grand appareil sont assemblés soigneusement, constituant les parements interne et externe, non solidaires. L'intérieur est « bourré » d'éléments moins homogènes mais soigneusement imbriqués et calés. Les blocs des monuments d'origine ont été remployés dans le même ordre pour éviter la retaille et constituer des assises de même hauteur.

 

Sous la semelle du rempart, l'archéologue a pu sonder les vestiges antérieurs à la fortification : deux murs parallèles correspondant à un caniveau ou un égout sans fond daté selon le mobilier de l'époque flavienne (deuxième moitié du Ier siècle de notre ère). Un des murs, plus large, comporte deux bases de piliers, soutenant les probables colonnes d’un trottoir à portique. L'ensemble devait border un cardo. Dans les blocs architecturaux qui ont été extraits de cette portion du rempart, il y a entre autre un bloc de corniche d'un grand entablement d'époque flavienne et un chapiteau ionicisant de la même époque, mais également des chapiteaux attribués au style du second Triumvirat (dernier tiers du Ier siècle avant notre ère, augustéen, voire préaugustéen).

 

Éléments lapidaires du rempart du Bas-Empire mis au jour dans les années 1970 - Photo Naud © Ministère de la Culture - Base Mérimée

Article Romain Charrier 17 avril 2017 - Maj 05/02/2019 & 15/05/2019

Sources : Carte archéologique de la Gaule 17/2 – Louis Maurin – 2007 – pages 281, 327 et 328 et pages 325 & 326 

Informations tirées des travaux de Louis Maurin ( Saintes antique - 1978 & Carte archéologique de la Gaule 17/2 Saintes - 2007) et lors d'échanges avec l'historien médiéviste Alain Michaud et l'archéologue Pierre Tronche, spécialiste des lapidaires de Saintes.