Saintes plus ancienne que Marseille ? Les hypothèses de Jean-Louis Hillairet

C'est l'hypothèse développée par l'archéologue Jean-Louis Hillairet lors de sa conférence intitulée « Les Gauloiseries Saintaises », organisée par l'association Médiactions vendredi 24 septembre à Saintes. L'archéologue a livré son regard historique et archéologique sur l'occupation continue de l'oppidum gaulois des Santons, au travers des découvertes néolithiques et protohistoriques de ces dernières décennies.

Conférence sur "Les gauloiseries saintaises", par l'archéologue Jean-Louis Hillairet © R.C.

L'archéologue Jean-Louis Hillairet a énoncé pendant une heure ses arguments prouvant que Saintes n'a pas été créé ex-nihilo par les romains après la conquête de Jules César et que l'oppidum de Pons n'était pas la capitale des Santons comme on nous le dit depuis le XIXe siècle. Les traces d'occupation autour de Saintes remontent au néolithique et s'étalent jusqu'à La Tène (second âge du Fer), les photos aériennes de Jacques Dassié et de Jean-Louis Hillairet lui-même le prouvent. De nombreux camps néolithiques étaient présents autour de Saintes, à Diconche (photo en bas de page), au Petit Chadignac (photo en bas de page) et au Peu Richard. D'autres camps se sont développés vers l'est en direction de Pons, à La Jard, Berneuil, jusqu'à Bougneau.

 

Les traces protohistoriques

 

Dès l'âge du Bronze, et jusqu'à La Tène finale, les traces d'occupation autour de Saintes sont abondantes. Des nécropoles se développent autour de l'oppidum de Saintes. Les photographies aériennes montrent un nombre important de fossés circulaires de différentes tailles, mais aussi carrés, le long des voies de circulation antiques, à Portublé, aux arènes de Thénac, à Bellivet, l'Ormeaux de Pied, au Petit Chadignac. Cette dernière nécropole présente même une abondance d'enclos de plusieurs époques, de grands enclos circulaires de l'âge du bronze, des grappes de plus petits enclos de l'âge du fer et des enclos carrés typiques de la Tène. Il y existe même selon l'archéologue, les traces d'un fanum gaulois de la Tène finale, unique exemplaire connu en Saintonge. Autre enclos exceptionnel, un tumulus à triple fossé observé sur photo aérienne près du château d'eau des Boiffiers, preuve selon Jean-Louis Hillairet de la présence de la sépulture d'un important personnage de l'âge du bronze. Enfin l'archéologue révèle l'existence d'un enclos long de type Langrabben du bronze final à Berneuil, rare exemplaire en Gaule (photo en bas de page).

 

L'archéologue précise qu'il existe aussi des nécropoles autour de l'oppidum de Pons, en particulier à l'est sur la commune d'Avy, mais aussi à Bougneau, Jazennes et Villars en Pons, prouvant l'occupation protohistorique à Pons, mais Jean-Louis Hillairet remarque qu'il y en a beaucoup moins qu'à Saintes, encore un argument selon lui que la capitale des Santons n'était pas à Pons, mais à Saintes.

  

La céramique gauloise à Saintes 

 

Guilhem Landreau, archéologue à l'Inrap et spécialiste de la protohistoire, a réétudié le mobilier archéologique découvert ces dernières décennies sur les chantiers de fouilles saintais. Il a créé un référentiel typo-chronologique de la céramique gauloise saintaise prouvant une occupation plus ancienne qu'on ne le pensait, remontant aux décennies 80 à 60 avant notre ère. Il a également fouillé deux fours gaulois sur le cours Genet à Saintes, qu'il a daté de la première moitié du Ier siècle avant notre ère (-90/-70), preuve d'une activité artisanale gauloise à Saintes. José Gomez de Soto a quant à lui publié récemment une étude sur la présence à Saintes de céramiques du Bronze final (Xe siècle avant notre ère). D'autres céramique de l'âge du fer ont été découvertes rue Bourignon, rue Bernard et sur le site des Petites sœurs des pauvres.

Voies pré-romaines et fossés défensifs

 

Pour un ouvrage à paraître sur les voies romaines de Saintonge, Jean-Louis Hillairet a réalisé un travail de cartographie sur toute la Saintonge recensant les voies antiques, romaines et pré-romaines. Il s'avère que toutes les voies pré-romaines rayonnaient autour de Saintes, prouvant encore l'existence et l'importance de la ville avant la conquête romaine. L'archéologue évoque aussi le double fossé défensif découvert il y a une douzaine d'années par l'archéologue Jean-Philippe Baigl. Son tracé est aujourd'hui bien connu, il protégeait selon Jean-Louis Hillairet une surface de 175 hectares. Sa datation officielle est autour de -20 à 0, mais selon Jean-Louis Hillairet, la céramique qui a permis cette datation pourrait aussi remonter au milieu du Ier siècle avant notre ère. Ce fossé ne serait pas selon lui une enceinte de ville, mais un fossé militaire édifié par les romains juste après la conquête, pour contrôler l'oppidum principal des Santons.

 

Strabon, géographe grec contemporain de l'empereur Auguste, parle de Mediolanum (Saintes), indiquant qu'elle est la ville des Santons. Mais Jean-Louis Hillairet précise que Strabon n'a jamais voyagé en Gaule. Le géographe grec reprend les écrits de Posidonios d'Apamée (IIe siècle avant notre ère) qui lui, est allé à Marseille. Jean-Louis Hillairet pense que Mediolanum était connu jusqu'à Marseille déjà au IIe siècle avant notre ère. L'archéologue termine avec Jules César qui connaissait les Santons, les citant trois fois dans son récit de la Guerre des Gaules. Ils y ont joué un rôle déterminant, en particulier en fournissant des navires dans une bataille navale contre les Vénètes (Morbihan). Les Santons ont eu des personnages illustres, en particulier Rufus, un notable dont la famille a été très tôt romanisée, qui a été prêtre à l'autel des Gaules et qui a financé la construction de l'arc romain de Saintes et de l'amphithéâtre de Lyon.

 

Jean-Louis Hillairet conclut sa démonstration en indiquant que Saintes est probablement plus ancienne que Marseille, fondée par les Grecs au VIe siècle avant notre ère. Saintes a été occupée en continu du néolithique à la conquête romaine, en passant par les âges du bronze et du fer, jusqu'à la Tène finale. Les traces y sont plus importantes qu'à Pons, indiquant que Saintes était la capitale des Santons. Enfin, la ville n'est pas une création romaine comme l'assurait Louis Maurin depuis sa thèse de 1978. Toutes ces hypothèses devraient faire l'objet d'une publication de la part de Jean-Louis Hillairet.

Article Romain CHARRIER - 25 septembre 2021

Source conférence « Les Gauloiseries Saintaises » de l'archéologue Jean-Louis Hillairet, organisée par l'association Médiactions le 24 septembre 2021

Bibliographie transmise par Jean-Louis Hillairet, archéologue, ingénieur retraité de l'Inrap, diplomé de l'Ecole des Hautes Etudes En Sciences Sociales

HILLAIRET (J.‑L.). – L’archéologie aérienne à la découverte de Mediolanum Santonum, capitale des Santons à l’époque de l’indépendance ? In : Bulletin N°20 – Ouvrage collectif, Société d’archéologie et d’histoire de la Charente-Maritime, Saintes 1994, p.85 - 108.

HILLAIRET (J.‑L.). L’artisanat antique à Saintes. Recherches Archéologiques en Saintonge ; Société d’archéologie et d’histoire de la Charente-Maritime, Saintes 1995, 175 p.

LANDREAU (G.) – Aux origines de Mediolanum Santonum. Les contextes du 1er siècle av. J.-C. des fouilles de « Ma Maison » à Saintes (Charente-Maritime), dans SFECAG, Actes du Congrès de Nyon, 2015, p. 353-410.

MIAILHE (V.) – « 165 rue de la Boule » – Rapport de diagnostic, INRAP, 2009, 1 vol., 25 p.

Vernou C. et Hillairet J.-L., 2016, « Aux origines de Saintes/Mediolanum (Charente-Maritime), Ensembles céramiques d’époques tardo-républicaine et augustéenne de l’école Émile Combes (1987) », dans Rivet L. et Saulnier S. (dir.), Actes du Congrès de la SFECAG (Autun, 5-8 mai 2016), Marseille, p. 461-490.