
L'importation et la production du vin romain en pays Santon
Francis Tassaux, professeur émérite d'archéologie et d'histoire romaine de l'université Montaigne de Bordeaux, a tenu une conférence sur le vin romain lundi 1er avril 2019 à Saintes. L'occasion d'aborder ici le sujet de l'importation puis de la production du breuvage antique sur le territoire des Santons.
Le vin avant l'arrivée des Romains
L'importation du vin d'Italie remonte aux IIe et Ier siècles avant notre ère. Les Gaulois étaient réputés pour l'aimer de manière déraisonnable. Ce commerce était lucratif pour les cupides marchands romains, le vin était échangé contre de l'étain (métal qui rentre dans la composition du bronze), de l'or et surtout des esclaves. Selon le professeur d'archéologie, le vin serait un des motifs des guerres permanentes entre les peuples gaulois, dans le but d'obtenir des esclaves à échanger contre des amphores de vin.
Le précieux breuvage était réservé à l'aristocratie gauloise et était abondant lors des banquets rituels. Le vin pouvait être offert aux divinités ou aux ancêtres en libation dans les sanctuaires.
Le plus important dépôt d'amphore en Saintonge a été découvert dans un contexte funéraire (tombe gauloise) en 1876 sur la commune de Tesson, à une quinzaine de kilomètres au sud de Saintes (MEDIOLANVUM). Ces quinze amphores sont datées du dernier tiers du IIe siècle avant notre ère, voire première moitié du siècle suivant.
L'importation du vin a été brutalement interrompue pendant la guerre des Gaules.
La production du vin en Gaule
A la fin du Ier siècle avant notre ère, la production de vin commence a se développer en dehors de l'Italie, d'abord en Espagne, puis en Gaule Narbonnaise. La première production en Aquitaine daterait du tout début du Ier siècle de notre ère. Selon Francis Tassaux, on en produisait probablement autour de MEDIOLANVUM dès le début de notre ère, sous le règne d'Auguste. Un modèle d'amphore à fond plat, caractéristique à l'Aquitaine (la troisième en partant de la droite sur la photo en entête), se développe dans la première moitié du Ier siècle de notre ère, jusqu'au IIe siècle. Au delà, les tonneaux gaulois supplanteront définitivement les amphores.
Le vin Santon
Un réseau de villa de production vinicole se développe en Aquitaine et tout particulièrement en pays Santon, le long de l'estuaire de la Gironde, du littoral Santon, du fleuve Charente et des autres cours d'eau navigables (cf carte en illustration). La concentration autour des zones navigables est probablement pour faciliter le transport du vin par les voies fluviales et maritimes pour l'exportation. De nombreuses villae dédiées à la production du vin ont été identifiées dans la Saintonge antique à Jonzac, Cognac, Saintes, Royan et autour de La Rochelle. Les éléments qui permettent d'identifier une activité liée au vin sont la présence de bassins de foulage, de bassins à cuvette de vidange, de zones de stockage pour les tonneaux (chais) ou avec des dolia scellés au sol, de serpettes à vendanger, de serpes à talon, de tranchées de culture caractéristiques des plantations de vignes, de restes de pépins, de sarments et de pieds de vigne.
Les villae vinicoles en Saintonge
De nombreuses villae ont été étudiées en Saintonge (cf carte ci-dessous), clairement identifiées comme ayant une activité viticole. La villa de la Haute-Sarrazine près de Cognac a été fouillée par Christian Vernou dans les années 1990 (cf photo des bassins et plan de la villa ci-dessous). L'archéologue a identifié deux longs bâtiments comportant des zones de stockage (chais) et une multitude de bassins de foulage et de bassins avec cuvette de vidange. La présence de pépins et la découverte de plusieurs serpettes confirme la production de vin. Cette villa a été datée de la seconde moitié du Ier siècle jusqu'au dernier quart du IIIe siècle.
A Saint-Georges-des-Coteaux près de Saintes, Frédéric Gerber de L'Inrap a fouillé une autre villa vinicole datée du premier tiers du Ier siècle de notre ère jusqu'au milieu du IIe siècle. Il a identifié des bâtiments d'exploitation, un bassin avec cupule de vidange caractéristique des installations vinicoles (cf photo du bassin ci-dessous) et surtout une zone agraire (cf illustration) correspondant à des traces de culture de la vigne (saignées ouvertes dans la roche lors de la plantation de pieds de vignes). A Port-des-Barques, une villa datée de la fin du Ier siècle jusqu'au IIIe siècle, a livré un ensemble de bâtiments dont un à destination viticole (bassins étanches à cuvette de vidange, chais). Une autre vaste villa à la Pointe des Minimes à La Rochelle, datée du dernier tiers du Ier siècle jusqu'au la seconde moitié du IIIe siècle, présente elle aussi des chais, un probable pressoir et une multitude de bassins de foulage et de bassins à cuvette de vidange dans sa pars rustica.
L'importation du vin romain par les gaulois remonte donc au IIe siècle avant notre ère, avant de s'interrompre brutalement pendant la guerre des Gaules. Puis la production dans le pays Santon débute dès le début du Ier siècle de notre ère dans des villae vinicole spécialisée. L'activité s'est développée à proximité du littoral et des voies navigables (Gironde et Charente) probablement pour favoriser l'exportation. L'archéologie montre une rupture à la fin du IIIe siècle qui indique une crise viticole en Saintonge et une reconversion des villae au IVe siècle. Dans ses textes, le poète aquitain Ausone évoque tout de même une production qui perdurera autour de Bordeaux au cours du IVe siècle.
Article de Romain CHARRIER - 3 avril 2019
Sources : Conférence de Francis Tassaux sur le vin romain, le 1er avril 2019 à la salle Saintonge à Saintes organisée par le Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime, dans le cadre du programme « une année à Mediolanum ».
La viticulture antique en Aquitaine - Gallia 2001 p 129-164
Fouilles Inrap villa de Saint-Georges-des-Coteaux
Photo en entête : Le commerce du vin, musée archéologique du Fâ à Barzan.