
Les découvertes récentes sur le premier Moyen-Âge en Charente-Maritime
Bastien Gissinger, archéologue au service d'archéologie départementale de la Charente-Maritime, a présenté au Paléosite de Saint-Césaire le 8 novembre 2019, l'état actuel des connaissances sur la période du premier Moyen-Âge (du Ve au XIe siècle) dans le département. Toute la difficulté de l'étude de cette période réside dans le manque de traces, en raison des constructions en matériaux périssables, et d'un mobilier archéologique bien moins connu que celui de l'antiquité. L'étude de quatre sites archéologiques fouillés ces dernières années par le service d'archéologie départementale permet d'élargir la sphère des connaissances de cette période.
L'archéologue départemental Bastien Gissinger qui présente la restitution du village carolingien de Saint-Sulpice-de-Royan fouillé cette année
Sondages sur la cité antique portuaire de Barzan
En 2015, le service d'archéologie départementale a réalisé des sondages programmés dans la zone sud-est du site antique du Fâ à Barzan. Les archéologues ont mis au jour plusieurs grandes esplanades à portique datées du IIe siècle (forum ?) ainsi qu'un nouvel établissement thermal plus au sud. La zone est réoccupée au VIIe siècle (fossés de parcellaire, trous de poteaux, sablières basses, céramiques, nombreux silos, sépultures). C'est lors de ces fouilles qu'a été mis au jour un trapézophore antique (pied de table en pierre) représentant un ange ailé, remployé au VIIe siècle dans un trou de poteau pour caler un pilier. La nécropole des VII/VIIIe siècles s'est installée dans les thermes. Ces traces sont la preuve que le site a continué à être occupé bien après la chute de l'empire romain.
Découverte d'un village carolingien à Saint-Sulpice-de-Royan
Fouillé cette année avant la construction d'un lotissement, les archéologues du département ont mis au jour un ensemble d'habitat occupé sur seulement cinq générations, soit une faible durée d'occupation autour du VIIIe siècle. 1200 structures ont été découvertes sur 1,5 hectare, tout un village à destination agricole (culture et élevage), avec un réseau de chemins, de parcelles clôturées, de zones arborées, une mare, de l'habitat mixte à abside, des bâtiments agricoles et deux puits. Le premier puits date de l'antiquité tardive jusqu'au début de l'époque mérovingienne et devait servir à un établissement situé à proximité. Le second puits de 23 mètres de profondeur date du village carolingien et a livré de la céramique, des anses de seaux et trois squelettes complets de vache retrouvés au fond. Ce puits n'a pas fourni beaucoup d'eau, ce qui pourrait être la cause de l'abandon du site (pas d'eau, pas de vie).
La trentaine de bâtiments avaient plusieurs destinations : habitations, étables, bergeries. Aucun édifice religieux n'a été mis en évidence sur la zone étudiée. Très peu de mobilier archéologique a été découvert, aucune monnaie, aucune fibule. Il n'y a pas de nécropole sur le secteur fouillé, mais deux sépultures inhabituelles ont tout de même été découvertes, une femme enterrée sur le ventre ainsi qu'un homme retrouvé dans un fossé.
Saintes – Site Saint-Louis
En prévision de la vente du site de l'ancien hôpital Saint-Louis à Saintes, l'archéologue Bastien Gissinger et son équipe ont réalisé en 2016 des sondages archéologiques répartis sur deux hectares. Ils ont mis au jour tout un quartier antique qui a été réoccupé dès le haut moyen-âge et jusqu'au XIIe siècle, avec des quantités importantes de terre noire caractéristique d'un habitat en matériau périssable de cette période, des trous de poteaux, sablières basses, des silos, mais aussi des maçonneries épaisses en moellon et mortier, preuve que le mode de construction en dur ne s'est pas perdu dans les zones urbaines durant le premier Moyen-Âge, contrairement aux idées reçues. L'archéologue profite de l'occasion pour annoncer qu'il devrait y réaliser de nouveaux sondages courant 2020.
Une nécropole mérovingienne inédite à Jonzac
Avant la construction de la rocade de contournement, les archéologues du département ont découvert à Jonzac une nécropole inédite avec un ensemble de sarcophages calcaires trapézoïdaux allant du VIe au VIIIe siècle. 123 individus y sont inhumés dans 60 sépultures, dans une majorités de sarcophages, mais également dans quelques tombes en cercueil, voire juste mis en terre avec un linceul. Certains sarcophages abritent plusieurs corps (jusqu'à sept). Il était courant de réutiliser un sarcophage au fil des siècles, en poussant les ossements de l'occupant précédent pour y installer un nouveau corps. Quelques rares sépultures comportent du mobilier (bagues, fibules, agrafes, plaques de boucle, épée), mais la plupart des tombes ont probablement été pillées très tôt. Certains sarcophages sont appareillés de « coussins céphaliques » taillés à l'intérieur des coffres. Les corps sont de tous âges, de quelques enfants en bas âge dissouts par l'acidité de la terre, jusqu'à des « vieillards » de plus de 50 ans. Aucune trace de mort violente, les dentitions n'ont pas de caries, mais présentent des indices de malnutrition.
Pour rappel, la période mérovingienne s'étend du Ve au VIIIe siècle, carolingienne du VIIIe au Xe siècle. Le conférencier précise que la notion de « premier moyen-âge » est subjective, elle correspond pour lui à la fin de l'antiquité tardive jusqu'au début du moyen-âge classique, soit du Ve siècle jusqu'au XIe siècle. C'est la période la moins bien connue puisque les traces sont ténues, contrairement aux vestiges de l'antiquité et aux châteaux du second moyen-âge. Comme pour la période gauloise, l'archéologie contemporaine permet d'élargir la sphère des connaissances de ces périodes méconnues.
Article de Romain CHARRIER - 10 novembre 2019
Sources : Conférence de Bastien Gissinger, archéologue départemental, le 8 novembre au Paléosite de Saint-Césaire.
Fouilles et sondages du service d'archéologie départementale sur les sites de Saint-Sulpice-de-Royan en 2019, sur le site Saint-Louis à Saintes en 2016, sur la cité portuaire du Fâ à Barzan en 2015 et sur Jonzac avant la création de la rocade de contournement
Photo en entête : Conférence de Bastien Gissinger, présentant l'hypothèse de restitution du village carolingien de Saint-Sulpice-de-Royan.