Découverte archéologique
Le double fossé défensif de MEDIOLANVM - Saintes
Un double fossé défensif a été pour la première fois mis au jour à Saintes en 2004 lors d'un diagnostic archéologique sur le site de Saint-Rémy par Jean-Philippe BAIGL de l’Inrap, puis identifié comme tel par des fouilles en 2006 rues Desclaudes et Saint-Rémy et confirmé 500 mètres plus au nord-est lors de diagnostics en 2008 et 2009 à proximité de la rue de la Boule. Les fouilles, diagnostics, photos aériennes et prospections géomagnétiques ont permis d’en dessiner le tracé sur près de 900 mètres de longueur. Lors d'un diagnostic en 2016 sur le cours Paul Doumer, le double fossé défensif a également été retrouvé plus au sud, sur le promontoire de Saint-Eutrope, de l'autre côté du vallon des arènes.
Par Romain CHARRIER - Publié le 27 décembre 2016 - Maj 19/05/2019
Tracé du double fossé défensif au nord-ouest de la cité antique de Mediolanum (Saintes)
Carte © Vincent MIAILHE Source : IGN, Cadastre, Service Régional de l'Archéologie du Poitou-Charentes, Carte Archéologique 17/2
L’ensemble de ce travail a permis d’identifier et d’étudier deux fossés parallèles d’orientation nord-est/sud-ouest, partant du nord du quartier de la Fenêtre, en bordure du vallon de Magezy et descendant jusqu’au quartier de Saint-Rémy (entre le centre aquatique de Saintes et la clinique Richelieu), puis sur le promontoire de Saint-Eutrope au sud.
Profil en forme de V
Le fossé extérieur (côté ouest) mesure jusqu’à 4 mètres de large pour près de 2 mètres de profondeur. Le second fossé à l’intérieur (côté ville) est le plus grand, atteignant près de 7 mètres d'ouverture et 3 mètres de profondeur. Les deux fossés ont un profil en forme de V et sont tous deux distant d'1,60 m à 2,50 m. L'analyse de leurs comblements indique la présence d'un talus côté ville (issu du déblai des fossés et qui a plus tard servi à les remblayer) accentuant son effet monumental. On pourrait en déduire un dénivelé de 6 mètres entre le sommet du talus et le fond du plus grand fossé.
Contemporain à la création de la ville romaine
La datation des éléments recueillis sur ces deux structures (par l’analyse du mobilier archéologique du comblement) rattache ce dispositif au début de l'époque gallo-romaine, de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère et leur disparition dans le paysage à la première moitié du Ier siècle de notre ère sous Tibère, dans une fourchette chronologique de -40 au premier quart du Ier siècle de notre ère selon Vincent Miailhe de l'Inrap, de -30 à +20 selon l’archéologue Jean-Philippe Baigl. Pour rappel la ville romaine aurait été fondée en 40/37 avant notre ère et aurait été désignée capitale de la Gaule Aquitaine en 27 avant notre ère. La création de ce double fossé serait contemporain de l'implantation d'une garnison romaine sur l'oppidum de MEDIOLANVM ou de la création de la cité gallo-romaine voire de l'attribution de son statut de capitale.
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Un double fossé défensif servant de limite de la ville
Les archéologues se sont longtemps questionnés sur sa fonction : double fossé délimitant l’enceinte d’un camp militaire ou limite partielle ou totale d’un oppidum gaulois ou de la ville antique à sa naissance. C’est l’un des résultats de la table ronde sur les limites antiques de la ville de Saintes qui tranche le sujet. Cette structure, en plus de son caractère défensif évident, dessine les limites de la ville du Haut Empire Romain sur sa partie occidentale et septentrionale, en barrant le plateau de 130 hectares sur sa face la plus exposée sur le plan défensif. Les dernières découvertes de 2016 sur le quartier Saint-Eutrope englobent le promontoire au sud de la ville, agrandissant les limites de la ville à 280 hectares au total.
Défendre la ville contre les révoltes des Gaulois ?
Les limites de la ville s’inscrivent dans la topographie de MEDIOLANVM qui se trouve cintré dans une boucle de la Charente, protégée par le fleuve à l’est, le vallon au sud de saint-Eutrope et cette enceinte fossoyée à l’ouest, prolongée par le vallon de Magezy au nord. Cette enceinte à l’aspect ostentatoire, composée d'un talus et de ce double fossé, avait une fonction défensive. Ce rempart a été mis en place par les militaires Romains soit juste après la conquête, soit au moment de la fondation de la future capitale de la Gaule Aquitaine, la protégeant ainsi d’éventuelles révoltes d’insurgés gaulois jusqu'à l'instauration de la Pax Romana sous Tibère où le rempart a été détruit.
L’importance de l’enceinte et la superficie qu’elle protège laisse supposer que dès la création de la ville antique, les Romains ont vu grand et prévoyaient une expansion importante de la première capitale de la nouvelle province de la Gallia Aquitania. Il n'est cependant pas certain que tout cet espace ait été urbanisé. Le fossé sera comblé vers les années 20 selon les archéologues, en même temps qu'est inauguré l'Arc dit de Germanicus de l'autre côté de la ville.
A titre de comparaison, lorsque MEDIOLANVM a perdu son statut de capitale régionale, le rempart du Bas-Empire, bâti à la fin du IIIe ou au tout début du IVe siècle de notre ère, ne protégeait plus que 16 hectares.
Des questions restent bien entendu en suspens. Jusqu'où descendait ce double fossé défensif ? Où se trouvai(en)t la (ou les) porte(s) de ce côté de la ville ? Les prospections n'ont pas permis d'en identifier une à ce jour. Le talus n'était-il qu'une simple butte de terre ou y avait-il une palissade et des tourelles en bois ? Aucune maçonnerie n'a été identifiée. Pourquoi avoir construit cet édifice monumental protégeant la ville nouvelle des attaques d'éventuels assaillants ? La résistance gauloise a-t-elle été si active ? Est-ce que cette enceinte reprenait le tracé d'un éventuel murus gallicus de l'oppidum ?
Article : Romain CHARRIER 27/12/2016 - Maj 19/05/2019 - Merci à Vincent Miailhe pour les informations et la relecture
Sources :
- Chronique de site sur les fouilles de Saint-Rémy à Saintes par l'Inrap : http://www.inrap.fr/saint-remy-montlouis-4006
- Article ADLFI 2009 - Vincent Miailhe, « Saintes », ADLFI. Archéologie de la France - Poitou-Charentes. URL : http://adlfi.revues.org/3159 ; DOI : 10.4000/adlfi.3159
- Synthèse du diagnostic archéologique du 165 rue de la Boule - V. Miailhe
- Article Sud-Ouest 06/12/2016 Thibault SEURIN - Résultat table ronde "Saintes No Limit" http://www.sudouest.fr/2016/12/06/les-origines-gauloises-de-la-ville-confirmees-3002569-1531.php
- DRAC SRA Bilan scientifique 2016
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Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
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