MEDIOLANVM (Saintes), de l'oppidum gaulois à la capitale de l'AQVITANIA 

Au commencement... l'origine de la guerre des Gaules

 

Tout commence vers 60 avant notre ère. Les Santons installés en Saintonge (Charente, Charente-Maritime et nord Gironde) peut-être depuis la fin du IIème siècle avant notre ère accordent leur hospitalité aux Helvètes (installés sur le territoire de la Suisse actuelle). Cet accord permettait selon César à 360.000 Helvètes de s'installer sur une partie du territoire au climat plus tempéré des Santones.

 

Sous la pression d'autres peuples Celtes alliés à Rome, notamment les Eduens (les Bourguignons), Jules César, alors proconsul de la Gaule Narbonnaise, décide d'intervenir et de stopper la migration des Helvètes en 58 avant notre ère en les renvoyant dans leurs contrées alpines. 

 

Le massacre des Helvètes par Jules César

 

Cette intervention engendra le massacre des 2/3 du peuple Helvète qui ne serait rentré sur leur plateau alpin qu'à 100 000. César commence alors son tour de la Gaule en montant d'abord jusqu'au Rhin et enverra plus tard son lieutenant Publius Crassus dans le sud-ouest pour obtenir la reddition des Santons et des Pictons sans rencontrer de résistance, puis des peuples Aquitains, avant de remonter en Armorique pour mener la guerre contre les Vénètes.

 

Jules César, homme politique ambitieux, brillant et fin stratège, cherchait une guerre à mener pour se construire une réputation auprès du sénat et de la plèbe romaine. Il voit en cette conquête une opportunité qui lui permettra de renforcer son autorité pour s’emparer du pouvoir.

 

Les Santons en partie responsable de la guerre des Gaules

 

La conquête du reste du territoire Gaulois se terminera en 51 avant notre ère à Alésia avec la reddition de Vercingétorix. Oui, les Santons sont, avec les Helvètes, en partie responsable de la guerre des Gaules, de l'invasion par les Romains et de la mort de Vercingétorix à Rome. Ces dix années de guerre auraient entrainé la mort de plus d'un million de gaulois.

 

Gratus mihi venis à MEDIOLANVM

 

Peut-être pour remercier les Santons de cette conquête ou pour asseoir son autorité sur la région, dans les années 20 avant notre ère l'empereur Auguste réorganise la Gaule en 3 nouvelles grandes provinces (les Gaules Belges, Lyonnaise et Aquitaine) et MEDIOLANVM (Saintes) est mis au rang de capitale de la plus grande de ces provinces : l'Aquitania (la Gaule Aquitaine) dont le territoire s'étendra de la Loire jusqu'aux Pyrénées et de l'Atlantique jusqu'aux contreforts auvergnats. Le choix de MEDIOLANVM comme capitale de la province est peut-être dû à sa situation géographique au centre de la façade Atlantique (MEDIOLANVM = au milieu de ?), à l'extrême ouest du continent et de Lyon, la capitale des Gaules. Ce choix est à rattacher au développement de la politique routière d'Agrippa, l'agglomération est en effet reliée par la Via d'Agrippa à LVGDVNVM (Lyon). Cette voie sera plus tard reliée à Burdigala (Bordeaux) plus au sud.

 

La topographie de MEDIOLANVM qui rappelle les 7 collines de Rome ?

 

La nouvelle cité romaine MEDIOLANVM connaît alors une glorieuse période de croissance et de prospérité qui durera deux siècles. La cité des Santons est dotée d’un ensemble monumental digne d’une grande capitale (forum, thermes, amphithéâtre, arc votif, decumanus et cardo...). Il atteste de la volonté romaine de marquer son emprise en créant une cité sur le modèle de Rome.

 

L'emplacement de la cité aurait même pu être choisi en raison de ses nombreuses collines qui peuvent rappeler les 7 collines de Rome. La plus imposante est la colline de Saint-Louis (où se trouvent le couvent de la Providence et l'ancien hôpital) qui domine la boucle de la Charente, entourée des collines de Saint-Vivien et de Saint-Saloine au nord, celle de Saint-Macoult à l'ouest et enfin la colline de Saint-Eutrope au sud-ouest. La puissance administrative et économique s'étend jusqu'au développement du port de Barzan (site du Fâ) à 20 km au sud de Royan sur l'estuaire de la Gironde qui devient un emporium : une escale portuaire internationale dans les échanges notamment de l'étain (qui entre dans la composition du bronze, élément essentiel dans l'antiquité).

  

La suprématie de la ville dure deux siècles, avant de se faire détrôner par Burdigala (Bordeaux) qui deviendra la capitale de la province d'Aquitaine à partir de la fin du deuxième et du troisième siècle de notre ère. C'est alors que commence le déclin de la cité accentué par les perturbations des "invasions barbares" puis par l'émergence du christianisme.

 

Quand et comment MEDIOLANVM a été créée ?

 

Nous savons maintenant que la cité existait déjà avant la conquête des Gaules, Saintes a été Gauloise avant d'être Romaine. Des céramiques gauloises retrouvées à plusieurs endroits de la ville ont été datées entre 80 à 60 avant notre ère, le promontoire rocheux de Saint-Louis (à l'emplacement de l'ancien hôpital Saint-Louis) est caractéristique d'un oppidum et il existe de très nombreuses nécropoles protohistoriques autour de la ville permettant d'en déduire les origines celtiques de la ville. L'étymologie même du nom de la ville en est un indice : MEDIOLANVM est la forme latinisée du toponyme gaulois MEDIOLANON. Mais les Romains ont probablement pris soin de détruire toutes les traces de l'oppidum Gaulois pour faire table rase du passé. Selon les historiens, la capitale des Santons était l'oppidum de Pons. L'archéologie a permis de dater la construction du murus gallicus (le rempart de l'oppidum) à partir de -120 et les traces d'occupation vont jusqu'en -80. La capitale des Santons a peut-être été transférée à Saintes au début du Ier siècle avant notre ère, quelques décennies avant la conquête de Jules César. 

 

LVGDVNVM (Lyon), de l'autre côté de la Gaule, est fondé en -43 en tant que colonie romaine. Peut-être qu'une colonie romaine s'est implantée à la même période sur l'emplacement de Saintes. De nos jours, l’ensemble des chercheurs estime la création de la ville romaine de MEDIOLANVM entre 40 et 37 avant notre ère, sur le modèle des villes romaines pour imposer leur culture et leur mode de vie dans la région. C'est le général Agrippa, gendre de l'empereur Auguste, qui réorganise la Gaule en 4 provinces en -27. MEDIOLANVM est alors désigné comme centre administratif d'une de ces 4 provinces : l'Aquitania. La capitale des Gaules est LVGDVNVM (Lyon). Il est possible que MEDIOLANVM soit choisi comme capitale de l'Aquitania en raison de son emplacement, situé sur la même latitude de 45°, à l'ouest de l'autre côté de la Gaule au milieu de la façade Atlantique, au milieu de la province d'Aquitaine (qui s'étendait des Pyrénées à la Loire). Dans sa réorganisation des Gaules, Agrippa créée quatre grandes routes stratégiques, la première de ces voies d'orientation est-ouest relie Lyon à Saintes en quasi ligne droite. Cette voie aboutissait sur le fleuve Charente, à Saintes.

Une ville sans équivalence dans tout l'ouest de la Gaule

 

Saintes est l'une des premières cités moderne bâtie sur le modèle des villes romaines en Gaule et très probablement la première dans tout l'ouest du pays. La cité est construite simultanément à LVGDVNVM avec qui elle est en lien par la via d'Agrippa. À ce titre, Saintes a vu se construire, espacés dans le temps, des monuments romains, afin de montrer la puissance de Rome. La quantité et la qualité des éléments lapidaires montrent qu’il n’y a pas d’équivalent dans toutes les villes d’Aquitaine. Pour le culte impérial, un premier temple dédié à Auguste a peut-être vu le jour vers 25–20 avant notre ère, copie identique à celui de Rome. Ce temple a probablement été construit dans l'enceinte du forum qui pourrait dater de la même période et dont l'emplacement est supposément situé sur les hauteurs de la ville, autour du cours Reverseaux et de l'ancienne Banque de France. Le premier aqueduc, exploitant l'eau d'une source de Fontcouverte au nord-est de la cité, est probablement décidé par Agrippa après la construction de celui de Lyon. Il est bâti avec certitude sous le règne d'Auguste, peut-être aux alentours de l'an 20 avant notre ère, pour alimenter en eau les fontaines et les premiers thermes ainsi que les 6000 à 8000 habitants de MEDIOLANVM. La via d'Agrippa relie Lyon à Saintes dans le dernier tiers du Ier siècle avant notre ère. Un premier pont en bois devait traverser la Charente avant l'édification du pont romain en pierre érigé dans les années 20 à 10 avant notre ère. L’arc routier dit de Germanicus à l'entrée du pont est inauguré vers 18-19 de notre ère, marquant l'entrée monumentale de la ville. L’amphithéâtre quant à lui n’est construit qu'à partir du règne de Tibère pour être inauguré sous le règne de Claude vers 40, restant le premier amphithéâtre construit dans l'ouest de la Gaule (celui de Poitiers est bâti juste après, celui de Bordeaux date du IIème siècle). 

  

Les autres grandes villes de la région comme Poitiers (Lemonum) et Bordeaux (Burdigala) ne se sont modernisées qu'après Saintes. Poitiers s'urbanise dans la première moitié du premier siècle de notre ère, soit une cinquantaine d'années après MEDIOLANVM. Quant à Bordeaux, qui existait déjà à l'époque gauloise, elle est reliée à Saintes par un prolongement de la voie d'Agrippa ce qui lui permettra de se développer au Ier siècle de notre ère.

 

Étapes de l'évolution de la ville antique :

 

> Traces d'occupation gauloise entre 80 et 60 avant notre ère, peut-être même avant, sur l'oppidum de Mediolano

> Camp militaire ou colonie romaine ? entre 51 et 40 avant notre ère

> Création de la ville romaine entre 40 et 37 avant notre ère avec le nom latinisé MEDIOLANVM

> Probablement désignée capitale de l'AQVITANIA en 27 avant notre ère lors de la réorganisation des Gaules

> Essor au cours du Ier siècle de notre ère

> Apogée et grande prospérité entre 70 et 120 de notre ère

> Evènement (inconnu) au milieu du IIe siècle (120/150) qui fait perdre à MEDIOLANVM son statut de capitale de l'AQVITANIA

> Mutations et contraction du centre urbain entre 150 et 250 de notre ère (abandon des quartiers nord et ouest)

> Construction des remparts à la fin du IIIe siècle, voire au tout début du IVe

> Comme beaucoup de métropoles régionales après le IIIe siècle, la cité gallo-romaine change son nom et prend celui de son ethnie, devenant MEDIOLANVM SANTONVM. Ce changement de nom serait à associer au passage du polythéisme vers le monothéisme, représentant cette volonté de rupture avec la société romaine. C'est dans l'itinéraire d'Antonin qu'apparait pour la première fois cette mention du nom de la ville.

> Reconfiguration chrétienne aux IVe et Ve siècle

Article Romain CHARRIER - Maj 12/04/2017 - Maj 08/07/2018

Sources : Informations tirées des travaux de Louis Maurin : Saintes antique - 1978 & Carte archéologique de la Gaule 17/2 Saintes - 2007

Histoire de l'Aunis et de la Saintonge, des origines à la fin du VIe siècle - Louis Maurin - 2007

Illustration en entête de Mediolanum par Jean-Claude Golvin