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Les Piles romaines de Pirelonge, de Chagnon et d'Ébéon
La pile romaine est une tour de plan quadrangulaire, plus rarement circulaire, considérée comme étant un monument funéraire antique. Les piles ont toutes été élevées entre les Ier et IVe siècles de notre ère, et se retrouvent dans tout l’Empire, mais avec une nette prédominance pour le Sud-Ouest de la France : 4 en Haute-Garonne, 8 dans le Gers et 3 en Charente-Maritime. Il existe deux vestiges de ces piles funéraires encore en élévation en Saintonge, la tour de Pirelonge et le fanal d'Ébéon.
Par Romain CHARRIER - Publié le 24 août 2014
Illustration des piles romaines de Villepouge à Aumagne à gauche et d'Ebéon à droite - Par Claude Chastillon XVIIe siècle
Histoire des Piles romaines
La pile est une tour de base carrée, dressée sur un socle et entourée d’un enclos qui pouvait recevoir les tombes des défunts. Le socle est généralement de dimension supérieure au reste de la construction, puis suivent des « étages » délimités par des bandeaux ou corniches, parfois avec un léger retrait. Dans certaines régions, le dernier niveau peut présenter une niche voûtée en berceau ou en cul-de-four, orientée à l’est ou au sud, pouvant servir à abriter une statue figurant le portrait du dernier défunt. Le sommet de la pile est en forme de dôme, de cône ou de pyramide.
La tour est toujours pleine, les murs extérieurs sont en pierre ou en brique, l’appareil est soigné, parfois avec des motifs décoratifs ou des bas-reliefs, tandis que l’intérieur reçoit un blocage de matériaux grossiers. Les excavations pratiquées par les curieux au XIXe siècle n’ont jamais révélé la moindre cavité intérieure. La pile n’était pas réellement un tombeau, mais plus un cénotaphe. Les corps étaient vraisemblablement enterrés dans l’enclos qui entourait la pile. Elles sont le plus souvent construites à proximité d'une voie romaine, parfois sur le domaine d'une villa.
Le Fanal d'Ebeon
Le "Fanal" d'Ebéon, dit "la Pyramide", est un vestige gallo-romain datant du IIIème siècle de notre ère, situé au lieu-dit "Bois-Charmand". Le Fanal (ou pile) forme encore un bloc de maçonnerie de 16 mètres de haut et de 6 mètres de diamètre. Il était situé à une centaine de mètres de la voie romaine reliant Mediolanum (Saintes) à Limonum (Poitiers) via Aunedonnacum (Aulnay-de-Saintonge). Il pouvait servir de repère visible à plusieurs lieues pour les voyageurs circulant sur la voie romaine.
A l’origine, le fanal était entouré d’une enceinte rectangulaire de 70 à 75 mètres de côté, dont la face occidentale longeait la voie romaine. Cette enceinte rappelle le péribole sacré des sanctuaires antiques. Il devait être le monument funéraire qu'un riche gallo-romaine s'est probablement bâti sur le domaine de sa villa. Le monument a fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques en 1840. Des étais ont été installés à la fin des années 30 pour soutenir l'édifice.
La Tour de Pirelonge
La Tour de Pirelonge est un monument funéraire gallo-romain bâti en pierre, situé à l'est de Saujon, sur le territoire de la commune de Saint-Romain-de-Benet (entre Saintes et Royan). Elle serait également datée du IIIème siècle de notre ère. L'édifice mesure 6 mètres de côté, pour une hauteur de 25 mètres. Les nombreux sondages n'ont mis aucun cavité en évidence, la tour est donc pleine. Elle est surmontée d’une toiture conique décorée en écaille de poisson. Elle était entourée à l'origine d’une enceinte d'environ 40 mètres de côté, bordant la voie romaine qui descendait vers l'estuaire de la Gironde, par Saujon, Royan, Barzan puis Burdigala (Bordeaux). Son nom de Pirelonge viendrait de "pierre longue". Ce monument funéraire antique est le mieux conservé de Saintonge. Des sépultures ont été identifiées dans le péribole entourant le monument. La tour de Pirelonge a fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840. La pile a été restaurée en 1989.
La Pile de Villepouge à Aumagne
Nous savons qu'il existait également un troisième monument de ce type sur la commune d'Aumagne, la pile de Villepouge (ou de Chagnon). Elle a été détruite vers 1840, ce qui a probablement entrainé en réaction le classement au titre des monuments historiques des deux autres piles saintongeaises. Cette troisième pile se situait également sur la voie romaine reliant Saintes à Poitiers à environ cinq kilomètres au nord-nord-est de la pile d'Ebéon.
Les fouilles de 1896 ont été riches d’enseignements. Les fondations carrées mesuraient 10 mètres de côté et reposaient sur le socle calcaire. A 7 mètres de ces fondations ont été retrouvées celles d'une enceinte quadrangulaire de 26 mètres sur chaque face et de 70 cm d'épaisseur. La face occidentale longeant la voie romaine présente des renforcements destinés à recevoir une superstructure particulière, sans doute un mur avec une façade monumentalisée. Dans cette enceinte ont été découverts des squelettes, des fragments de poteries, des monnaies, dont une datant de Marc Aurèle (172 de notre ère) et une tête féminine colossale.
Les fonctions théoriques des Piles romaines
Les érudits se sont longtemps interrogés sur l'utilité de ces tours antiques. Pirelonge était supposée être un amer, point de repère fixe et identifiable utilisé pour la navigation maritime. A l'époque antique, un bras de mer remontait jusqu'à Saujon, à quelques lieues de là. Il y a aussi la théorie de la borne routière, les trois piles de Saintonge étant placées le long de voies romaines. Les deux tours de Pirelonge et d'Ebéon se trouvent approximativement à égale distance de Mediolanum, au nord et au sud de la ville, elles auraient alors pu annoncer l'approche de Mediolanum, ou délimiter un territoire (mais pas celui des Santons qui s'étendait bien au-delà). Elles ont aussi été considérées comme des temples dédiés à divers dieux, dont Mercure, patron des voyageurs. De nombreuses statues de divinités et d’objets de culte ont été retrouvées aux abords des piles.
Mais il est aujourd'hui communément admis que ces piles étaient des monuments funéraires, destinés à célébrer la mémoire de personnages importants. Des sépultures ont souvent été mises au jour dans l'enceinte entourant les piles. Il pourrait donc s'agir de mausolées ou de cénotaphes, destiné à honorer la mémoire du propriétaire de la villa près laquelle la pile a été construite. Le choix des emplacements pour leur construction sur les voies de circulation devait également avoir un sens, pour délimiter un territoire, celui du riche propriétaire d'une villa par exemple.
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Romain CHARRIER - 24 août 2014
Sources : Carte archéologique de la Gaule 17/1 - 1999 - p. 89 à 93 & 279 à 280
http://www.valsdesaintonge-sig.org/data/data/document/patrimoine/aumagne/IA17043376_fiche.html
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