Fouilles archéologiques
Amphithéâtre de Saintes : Retour sur le résultat des sondages d'Eveha de 2017
Les sondages réalisés par l’équipe de l’archéologue Bastien Gissinger du service d’archéologie départementale de Charente-Maritime (SAD17), viennent de se terminer, apportant leur flot de connaissances nouvelles. D'autres sondages avaient été réalisés en décembre 2017 par l'opérateur privé Eveha, sous la responsabilité de l’archéologue Antoine Nadeau, en parallèle du diagnostic sanitaire du monument. Retour sur ces résultats.
Par Romain CHARRIER - Publié le 6 juillet 2021
Sondages réalisés dans la cavea de l'amphithéâtre de Saintes en 2017 par les archéologue d'Eveha © Sunmetron
Construction emblématique de Mediolanum, l'amphithéâtre de Saintes a été classé au titre des Monuments Historiques en 1840. Les recherches archéologiques y ont débuté en 1877, parallèlement à d'importants travaux de dégagement au début du XXe siècle et de restauration jusque dans les années 30. En 1974, c’est l'historien et archéologue Louis Maurin qui reprend les fouilles jusqu’à la publication d'une étude approfondie de l'édifice avec Jacques Doreau et Jean-Claude Golvin en 1982. De nouveaux sondages sont réalisés dans les années 90, en préalable de restaurations. Le projet controversé de gradinage, abandonné depuis par la nouvelle municipalité, avait permis de mettre en évidence la fragilité du monument. Le diagnostic scientifique, avec une analyse du bâti et cinq sondages archéologiques, a été réalisé en 2017 par les archéologues d'Eveha et les architectes de Sunmetron, pour vérifier l’état sanitaire du monument antique, concluant à son état préoccupant. C'est dans ce cadre que le programme de restauration actuel de 4,5 millions d’euros a été décidé, pour permettre à l'édifice de spectacle de pérenniser son existence.
Deux sondages autour de la porte des morts
Les deux premiers sondages réalisés par Eveha en 2017 étaient localisés autour de la porte dite des morts, à l’ouest de l’arène. Le dégagement d’une partie de l’extrémité du podium, a permis d’étudier l’emplacement supposé d’un carcer, une petite pièce aménagée sous le podium, servant de loge aux gladiateurs ou aux animaux. Sa présence est supposée par comparaison avec celui étudié au XIXe siècle, de l’autre côté de l'arène, à droite de la porte dite des vivants. Des arcs constitués de larges voussoirs en grand appareil retombant sur des piliers intermédiaires devaient y supporter les gradins recouvrant cet espace. La fouille de 2017 tend à confirmer l’hypothèse du carcer, mais les contraintes rencontrées lors de l’étude n'ont pas permis d'y mener des recherches plus approfondies.
En contrebas, devant la porte des morts, un autre sondage en profondeur a permis de mettre au jour trois madriers en chêne, conservés au-dessus de l’égout antique, mais les infiltrations importantes d’eau ont perturbé et limité la fouille. Cette couverture en bois du canal devait également supporter le sable surfaçant l'arène.
L'étude de la cavea
Trois autres sondages ont été réalisés dans la partie sud de la cavea (partie en pente où se trouvaient les gradins). Le premier entre l'extrémité d’un escalier et un front rocheux paraissant délimiter la media cavea, mais il n’a permis de mettre au jour que du substrat calcaire affleurant, ne présentant pas de traces de taille. Le mur de précinction, supposé séparer les différents niveaux de gradins, n’a pas été identifié sur le front rocheux. Les récupérations de matériaux ou l'arasement des vestiges ne permettent pas de préciser l'emplacement des précinctions supérieures, ni l'emprise exacte des différents maeniana (séries de gradins délimitées par des balcons marquant la hiérarchisation des spectateurs).
Un autre sondage a été réalisé autour de la fontaine Sainte-Eustelle. Elle a été bâtie sur l'escalier central de la cavea sud. Le mobilier céramique inséré dans la maçonnerie de la fontaine est daté des XVII/XVIIIe siècles, ce qui porte à placer son aménagement à la période moderne, datation confirmée par les premières mentions écrites de ce lieu de dévotion.
Le dernier sondage est implanté au sommet de la cavea, au centre de la façade méridionale. Il a livré les vestiges de la couronne supérieure du monument, avec un ensemble de maçonneries en petit appareil et blocage, et les empreintes des blocs de grand appareil qui devaient décorer l'entrée de l'escalier principal, probablement arrachés lors du démantèlement du monument. Il n’y a pas de traces d’enduit peint et une grande quantité de mobilier daté du XIXe et du début du XXe siècle indiquent aux archéologues que cette partie a déjà été fouillée, probablement entre 1877 et 1906, sans que cet emplacement n’ait été consigné dans les textes. L’ouverture de l’escalier est large de 1,85 m, elle est placée au centre de la façade sud du monument, marquant le départ de l’escalier donnant accès au podium, peut-être à une loge d'honneur située en contrebas de la fontaine.
Ces sondages ont apporté quelques connaissances supplémentaires de l’édifice, mais amènent aussi de nouveaux questionnements et certains aspects de son plan et de son évolution sont encore méconnus. Ils n'ont pas permis d'établir le nombre de maeniana, ni la position des précinctions, ou des systèmes d'écoulement des eaux. Qu'en est-il du prolongement vers l'ouest de la Porte des Morts, de la présence ou non d’une loge en contrebas de Sainte-Eustelle, y-a-t-il eu plusieurs phases de construction, des réoccupations tardives, etc. Beaucoup de choses restent à découvrir sur ce monument.
Article Romain CHARRIER - 6 juillet 2021
Sondages archéologiques réalisées par les archéologues d'Eveha en décembre 2017 en partenariat avec les architectes de Sunmetron.
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