Conférence
Saintes antique au musée archéologique, conférence de Louis Maurin - 2ème partie
Seconde partie de l'exceptionnelle conférence de Louis Maurin « Saintes antique au musée archéologique » (premier partie sur ce lien), dédiée à la vie domestique et religieuse à MEDIOLANUM. Dans son récit, l'archéologue et historien va sortir du lapidaire pour interpréter les grands chantiers de fouilles à Saintes.
Par Romain CHARRIER - Publié le 1er décembre 2019
Céramique sigillée - Collection archéologique de Saintes
La vie domestique
Le site archéologique dit de « Ma Maison » fouillé dans les années 70 a livré beaucoup d'informations sur l'évolution de l'habitat à MEDIOLANVM, avec dans un premier temps de l’habitat modeste jusqu'en 50 de notre ère, puis l'aménagement d'une grande maison bourgeoise (une domus) avec plusieurs mosaïques, des enduits peints (dont celui de la sirène ci-dessous), une série de chapiteaux toscans bordant une cour intérieure, un oscillum très rare en Aquitaine (seulement deux connus), une borne en marbre à l'effigie de Dionysos/Bacchus, séparant l'architecture et le jardin.
Pour le quotidien, la céramique tenait une place importante. Il existe des dizaines de milliers de tessons dans les réserves archéologiques de Saintes, beaucoup de poteries et de vaisselles ont même été retrouvées entières, aujourd’hui stockées dans les réserves de Lormont. Certaines de ces céramiques sont produites à MEDIOLANVM, comme la céramique noire dite savonneuse, héritage gaulois qui persiste jusqu'environ 50 de notre ère puis est abandonnée. La sigillée quant à elle, une céramique typiquement romaine, à engobe rouge souvent décorée, n'est pas produite à MEDIOLANVM, elle est importée, en partie du sud du Massif Central.
La verrerie est également importée dans un premier temps jusqu'en 50, puis produite dans des ateliers de verrier, plusieurs ont été mis au jour à MEDIOLANVM.
Les religions
La religion publique est représentée à Saintes avec la découverte sur le site Saint-Louis en 1957 de la statue d'un prince impérial de la dynastie augustéenne, anciennement exposée au musée lapidaire (photo du prince ci-dessous). Cette statue représente l'affirmation de la puissance romaine. Sur le même thème du culte impérial, il avait été découvert dans un atelier de potier lors du creusement du canal de décharge, un moule inspiré de Virgile et la fuite de Troie, mythologie sur les ancêtres de l'Empereur Auguste, pour la fabrication de figurines destinées aux laraires domestiques.
Les divinités gauloises sont très représentées à MEDIOLANVM, leur culte a été conservé après la conquête. La politique de Rome a été d'élargir son panthéon en romanisant les divinités indigènes. C'est le cas de la statue d’un Jupiter acéphale tenant la foudre, mise au jour dans un puits. Elle serait une production locale dérivée d’une divinité indigène, représentée ici avec un déhanchement très (voire trop) accentué, position inspirée du statuaire grec du IVe avant notre ère.
Sur le site dit de « Ma Maison » en 1979, avait été découverte une statue de déesses mères (toujours représentées par deux). Ces déesses mères sont l'héritage d'un culte gaulois qui sera romanisé. Elles sont particulièrement vénérées et très présentes à MEDIOLANVM, 28 statues de ces déesses ont été mises au jour, toujours dans des habitats ou dans des puits comblés entre 150 à 230.
Les sanctuaires
Un sanctuaire monumental avait été découvert et fouillé entre 1968 et 1983 aux Ateliers Municipaux de la rue Massiou, en bordure de coteau. Il est exclusivement voué à des divinités indigènes. Il sera vidé et détruit vers 150 de notre ère, à peu près en même temps que l'édification d'un autre sanctuaire lui faisant face (sauvagement fouillé en 1975) où a été découvert une statue d'Hermès portant dans ses bras Dionysos (ou Mercure portant Bacchus, copie d'un modèle grec) ainsi qu’une tête calcaire de Mercure. Ce second sanctuaire est exclusivement dédié au panthéon romain.
Cette évolution d'un sanctuaire indigène vers un sanctuaire exclusivement romain et l'abandon en même temps des déesses mères dans les habitats au milieu du IIe siècle est un marqueur de l'évolution des pratiques cultuelles, abandonnant le culte des anciennes divinités gauloises pour se consacrer aux divinités gréco-romaines, aboutissement d'une romanisation totale de la population de MEDIOLANUM.
Louis Maurin précise que tous ces éléments ne sont que des miettes à interpréter. Les échanges, contacts et comparaisons avec les autres villes complètent les connaissances et aident à la compréhension. La romanisation à MEDIOLANVM a, comme ailleurs, été progressive, elle s'est faite grâce à la paix romaine, aux échanges commerciaux et culturels.
Tout reste à découvrir, chaque nouvelle fouille apporte son lot de connaissances, comme la découverte du double fossé défensif il y a quelques années ou encore les fours de potiers gaulois qui a bouleversé les certitudes, prouvant que la ville a été gauloise avant d'être romaine, et qu'elle n'a donc pas été une création romaine ex nihilo comme on le croyait.
Louis Maurin conclut en affirmant que « les pierres nous parlent » et qu'il faut leur porter une attention toute particulière. Il rappelle le caractère exceptionnel des collections archéologiques de Saintes et de l'intérêt tout particulier qu'il faut leur apporter en les mettant en valeur dans un véritable musée archéologique d'ampleur. Charles Dangibeaud avait déjà fait ce travail de conservation et de mise en valeur fin XIXe et début XXe siècle, permettant de limiter la fuite des antiquités dans des collections privées et en mettant en scène les plus belles pièces dans le musée lapidaire qui est resté ouvert pendant 85 ans, mais fermé en 2016, pour voir ses collections remisées en 2018 dans les réserves de la ville par le Maire actuel.
Article de Romain CHARRIER - 1er décembre 2019
Source : Conférence de Louis Maurin, archéologue et historien, le 23 novembre, salle Saintonge à Saintes, en clôture des 180 ans de la Société d'archéologie de Saintes
Photos des lapidaires de Saintes pour illustrer les propos
Publicité, cliquez pour faire vivre le site :
Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
Actualité
- Restauration de l'amphithéâtre : des retards qui se cumulent
- Bongraine : de l'âge du Fer sous un dépôt ferroviaire
- Epona, une déesse celtique dans les Charentes
- Un livre inédit sur les voies romaines de Saintonge
- Royan : la ligne de défense allemande étudiée à Belmont
- Appel à témoin pour un livre sur les fêtes des arènes
- Deux décennies de fouilles à Saintes
- VIVA SAINTES FESTIVAL, le retour des fêtes romaines
- Une ferme protohistorique à Chaniers
- Une occupation de l'âge du fer sous un dépôt ferroviaire
- Amphithéâtre de Saintes : Deux ans de chantier pour consolider et assainir
- Une vaste nécropole mérovingienne sous la commune de Rom (79)
- Fouilles sous la Tour Maubergeon à Poitiers
- Valorisation des aqueducs : une livraison espérée pour l'été prochain
- Reconstitution d'une barque mérovingienne
- Amphithéâtre, des sondages qui bouleversent les connaissances
- Regain d’intérêt pour les thermes de Saintes
- Casques de gladiateurs à Poitiers
- Les sondages d'Eveha en 2017
- Fouilles amphithéâtre du SAD17
- Restauration de l'amphithéâtre
- Valorisation des aqueducs, les travaux avancent
- Quand Néandertal cuisinait du renne
- Saintes vers 1690, par Jean-Claude GOLVIN
- Fouilles de La Providence, toute l’histoire de Saintes sur un chantier majeur
- Le SAD17 au pied de nos églises
- Epaves de Courbiac, les fouilles s'accélèrent
- Camille de La Croix, Père de l'archéologie régionale
- Conférence de Louis Maurin 2
- Conférence de Louis Maurin 1