Conférence
Saintes antique au musée archéologique, par Louis Maurin
Pour clôturer les célébrations des 180 ans de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime, l'association a proposé samedi 23 novembre une conférence de l'archéologue et historien Louis Maurin racontant « Saintes antique au musée archéologique ». Cette conférence était exceptionnelle de par sa présence, son contenu, et surtout dans un contexte compliqué à Saintes depuis le remisage en 2018 des collections lapidaires dans les réserves de la ville.
Par Romain CHARRIER - Publié le 26 novembre 2019
Le lapidaire de Saintes tel qu'il était présenté au publique pendant 85 ans, jusqu'en 2018. Il est aujourd'hui stocké dans les réserves archéologiques de la ville
La compréhension et l'interprétation de notre histoire antique est l'aboutissement d'un long travail de lecture des strates, du mobilier archéologique et du lapidaire découvert depuis deux siècles sous nos pieds. C'est Louis Maurin qui pour son doctorat aura fait ce travail de lecture, de compréhension et de synthèse qu'il publiera en 1978 avec Saintes antique. Quarante ans plus tard, il nous a offert un cours magistral à l'occasion de la clôture des festivités autour des 180 ans de la Société d'archéologie de Saintes, elle-même en grande partie à l'origine des innombrables découvertes archéologiques de la ville.
Louis Maurin est la référence de l'archéologie saintaise, historien, archéologue, ancien professeur à l'université Bordeaux III, ancien conservateur du musée archéologique de Saintes, puis de Bordeaux, il a été président de la Société d’archéologie de Saintes, aujourd’hui président d’honneur, responsable de nombreuses fouilles archéologiques dans les années 70 et auteur d'ouvrages qui font référence tels que « Saintes antique », « Histoire de l'Aunis et de la Saintonge » et la « Carte Archéologique de la Gaule » pour le département de la Charente-Maritime. Cet article sera publié en deux fois et fait la synthèse des propos de Monsieur Maurin lors de la conférence où il a abordé l’étude de Saintes antique à travers quatre thèmes : les décors et l’emprise du latin pour ce premier article, puis la vie domestique et les religions dans le second article à venir.
Louis Maurin lors de la conférence du 23 novembre 2019 à Saintes
Le rempart, un conservatoire d’archives
C’est en grande partie le démantèlement du rempart antique de Mediolanum qui a alimenté la collection lapidaire de la ville, évoqué dans les écrits dès 1609, puis principalement en 1887 avec les fouilles de Laferrière sur le site Saint-Louis. Ces décors sont des indicateurs importants qui permettent de dater avec précision l’évolution de la romanisation à Saintes. L’apparition n’y a pas été progressive, mais soudaine entre -20 et -10, probablement après la désignation de la ville en tant que capitale de la Gallia Aquitania. Le premier décor qu’il prend en exemple est un chapiteau corinthien précisément daté de -15/-10, inspiré de ce qui se faisait à Rome en -30, avec un décor à feuille d'acanthe épineuse qui semble avoir été travaillé dans les ateliers saintais d'après l’étude de Dominique Tardy. Il évoque également les entablements avec corniche, frise et architrave recouverts de décors végétaux caractéristiques de cette période.
Le musée lapidaire aménagé de 1930 à 1933 par Charles Dangibeaud en a fait une « carte de visite », avec cette mise en scène inédite en France à cette époque. Louis Maurin donne également l’exemple des frises doriques à métopes, des carrés garnis de motifs : louve romaine, chouette athénienne, têtes de taureaux (voir photo ci-dessous), séparés par des triglyphes (trois barres interrompues par des cannelures). Il est difficile de déterminer l'origine exacte de cette frise, si elle vient d'un temple ou d'un mausolée, et si elle est issue d'un ou plusieurs monuments. Il évoque également l’exemple de la colonne à cannelure torsadée probablement issue d'un monument public (basilique?). Tous ces éléments lapidaires sont apparus soudainement dans les années -20 à -10.
Louis Maurin rappelle que « le rempart est un conservatoire d'archive », ainsi qu'un « modèle de décor ornemental d'une ville romaine ». Saintes est un « cas exceptionnel en France » car cette monumentalisation a commencé tôt et que la ville a su les conserver. D'où l'absolue nécessité de valoriser cette richesse exceptionnelle dans un véritable musée qui fait aujourd'hui défaut.
Frise dorique à métopes séparées par des triglyphes
L'emprise du latin dans les découvertes
Le latin est la langue officielle, il est présent partout à Saintes sur les monuments publics, épitaphes, tablettes, amphores, cachets, monnaies... Le gaulois est probablement parlé encore pendant longtemps, mais le latin sera la langue officielle, apprise, comprise et lue par les habitants de Mediolanum.
Pour commencer ce chapitre, Louis Maurin nous raconte l’histoire de Caius Julius Macer, conservée grâce aux inscriptions latines de son épitaphe. Il s’agit d’un notable Santon, légionnaire augustéen, cavalier auxiliaire, officier subalterne pendant 32 ans, fait citoyen romain à sa retraite. Il rempilera tout de suite, et sera envoyé sur les frontières du Haut-Danube où il va rapidement mourir vers l'âge de 51 ans. Ses cendres seront rapatriées à Mediolanum par sa fille Julia Matrona qui érigera un mausolée avec cette épitaphe découverte par l’abbé Laferrière en 1887, remployée dans le rempart.
Vient ensuite l’interprétation de la stèle dite « sur le chemin de l'école », datée de la deuxième moitié du IIe siècle, et représentant un écolier portant une tablette. Cette stèle illustre l'apprentissage du latin dès le plus jeune âge des gallo-romains, apprentissage qui perdurera selon Louis Maurin jusqu'au IVe siècle.
Le latin était également utilisé dans des domaines très variés de la vie quotidienne. D'autres éléments archéologiques prouvent cet usage et sa connaissance par les habitants de Mediolanum. De nombreuses tablettes ont été découvertes, en particulier dans les puits, mais aussi des cachets, des monnaies, des cols d'amphores avec inscription destinées aux clients. Beaucoup de ces éléments sont produits en dehors de Mediolanum, importés et découverts à Saintes, attestant de cette connaissance du latin par les habitants.
Louis Maurin évoque également une inscription découverte sur un fond de tonneau. Le vin était dans un premier temps exclusivement importé dans des amphores jusqu'environ 50 de notre ère, puis la production viticole s'est développée dans la région, en particulier en Aunis, d'où l'apparition et l'usage de tonneaux pour le transport du vin et de cette inscription.
La suite de l'article sur la conférence de Louis Maurin sera publié d'ici quelques jours. Seront évoqués la vie domestique, l'évolution de l'habitat, la céramique, ainsi que la religion avec le culte impérial, les divinités indigènes et le panthéon romain.
Article de Romain CHARRIER - 26 novembre 2019
Source : Conférence de Louis Maurin, archéologue et historien, le 23 novembre, salle Saintonge à Saintes, en clôture des 180 ans de la Société d'archéologie de Saintes
Photos des lapidaires de Saintes pour illustrer les propos
Publicité, cliquez pour faire vivre le site :
Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
Actualité
- Restauration de l'amphithéâtre : des retards qui se cumulent
- Bongraine : de l'âge du Fer sous un dépôt ferroviaire
- Epona, une déesse celtique dans les Charentes
- Un livre inédit sur les voies romaines de Saintonge
- Royan : la ligne de défense allemande étudiée à Belmont
- Appel à témoin pour un livre sur les fêtes des arènes
- Deux décennies de fouilles à Saintes
- VIVA SAINTES FESTIVAL, le retour des fêtes romaines
- Une ferme protohistorique à Chaniers
- Une occupation de l'âge du fer sous un dépôt ferroviaire
- Amphithéâtre de Saintes : Deux ans de chantier pour consolider et assainir
- Une vaste nécropole mérovingienne sous la commune de Rom (79)
- Fouilles sous la Tour Maubergeon à Poitiers
- Valorisation des aqueducs : une livraison espérée pour l'été prochain
- Reconstitution d'une barque mérovingienne
- Amphithéâtre, des sondages qui bouleversent les connaissances
- Regain d’intérêt pour les thermes de Saintes
- Casques de gladiateurs à Poitiers
- Les sondages d'Eveha en 2017
- Fouilles amphithéâtre du SAD17
- Restauration de l'amphithéâtre
- Valorisation des aqueducs, les travaux avancent
- Quand Néandertal cuisinait du renne
- Saintes vers 1690, par Jean-Claude GOLVIN
- Fouilles de La Providence, toute l’histoire de Saintes sur un chantier majeur
- Le SAD17 au pied de nos églises
- Epaves de Courbiac, les fouilles s'accélèrent
- Camille de La Croix, Père de l'archéologie régionale
- Conférence de Louis Maurin 2
- Conférence de Louis Maurin 1