Site archéologique
La Villa gallo-romaine de Jonzac
C'est à proximité du casino et des Antilles de Jonzac, dans un méandre de la Seugne, qu'est mise au jour depuis 2003 une villa gallo-romaine, de belle facture (thermes, temple, salle de réception, dépendances agricoles, puits, tombes...), occupée du Ier au VIIème siècle de notre ère, d'une superficie de 3550m² comprenant deux grands bâtiments résidentiel et agricole sur un domaine d'au moins deux hectares.
Par Romain CHARRIER - Publié le 24 août 2016
Photo aérienne de la partie thermale de la villa © K. Robin
La surface de cette habitation et les témoignages architecturaux indiquent qu'il s'agit d'une demeure aristocratique de premier plan. La pars urbana s'étend sur une longueur de 100 mètres et une largeur de 15 mètres, avec plusieurs phases de construction et d'extension, exposé vers l'ouest. En contrebas à une petite centaine de mètres se trouve un second bâtiment résidentiel, et à l'est la pars rustica, bâtiments destinés à l'exploitation agricole.
Un chemin creusé dans le calcaire datant des deux premiers siècles de notre ère donne accès à la villa gallo-romaine par l'est, en remontant sur la colline qui domine le méandre de la Seugne sur lequel est située la villa.
Nul ne sait si la même famille vécut ici durant 600 ans ou si plusieurs propriétaires s'y succédèrent. Mais ce dont les archéologues sont certains, compte tenu de la qualité des découvertes (par exemple un triclinium/salle de réception de 300m²), c'est que les occupants étaient issus de la haute société gallo-romaine, probablement de l'aristocratie, une puissante famille qui a pu compter au plan local ou exercer des fonctions publiques dans l’administration ou l’armée.
D'après Ernest Nègre (toponymiste du XXème siècle), Jonzac serait issu de l'anthroponyme gallo-romain Juventius associé au suffixe -acum. Jonzac serait à l'origine Juventiusacum, le « domaine de Juventius ». Le suffixe -acum était accolé au nom des propriétaires des villae gallo-romaine, pour évoluer en une terminaison en -ac très répandu dans les noms des communes des Charentes, du Périgord et de la Gironde. Mais cette hypothèse est à prendre avec prudence.
La pars urbana de la villa
L'habitation (la pars urbana), 100 m sur 15 m dans son dernier état, correspond à une demeure à corps de bâtiment principal allongé et à galerie-portique en façade. L'organisation de l'espace laisse percevoir différentes fonctions et trois volumes distincts :
- au nord les salles de réception (dont une est chauffée par le sol) avec deux citernes,
- au centre les pièces de servitudes en enfilade (communs, cuisines, réserves)
- au sud un ensemble thermal comprenant une salle de chauffe, une piscine chauffée par le sol, deux bassins dont un hexagonal.
Si les constructions sont fortement arasées, les remblais de démolition permettent d'appréhender l'effort d'ornementation de certaines pièces (enduits peints, éléments architecturaux, vitrage et tesselles de mosaïques). Le mobilier archéologique trouvé témoigne d'une romanisation, d'une influence méditerranéenne et d'un certain luxe (stylets, cure-oreille, miroir, bague à initiale, couteaux et céramiques).
Au nord de la villa se trouve une immense salle de réception de 300 mètres carrés (le triclinium) avec chauffage par le sol et un riche décor d’enduits peints, prouvant le luxe de la demeure et démontrant de l'importance du dominus (le propriétaire) dans la société gallo-romaine.
A une centaine de mètres à l'ouest se trouve un autre ensemble de bâtiments perpendiculaire à l'habitation et fermant la cour privée. Les murs d'un grand bâtiment, 28 m sur 14 m soit 392 m2, semblent délimiter un établissement de plan rectangulaire symétrique. Les deux pignons (est et ouest) seraient occupés par deux salles de la largeur du bâtiment, 14m sur 3, 5 m (49 m2). La partie centrale est séparée en deux espaces inégaux (2/3 et 1/3); au nord une pièce de 18, 5 m sur 8 m (148 m2) et au sud une salle de 18, 5 m sur 3 m (45, 5 m2).
Un immense jardin d'agrément trône au centre de ces bâtiments, une cour sans doute très arborée avec une recherche de mise en scène, offrant une vue sur le couchant avec la Seugne et les falaises d'Heurtebise comme paysage.
La pars rustica de la villa
Se développe aussi à l’Est de l’habitation toute une cour agricole autour de laquelle a été repéré des bâtiments de type grange ou chai malheureusement mal conservé. On peut imaginer que l'activité développé était l’élevage, les cultures céréalières voire viticole. La découverte d'une serpette qui est un ustensile que l’on ne trouve aujourd’hui que dans les villae viticoles, des sarments de vigne qui ont été découverts dans le fond du puits, et d’une façon plus anecdotique, un enduit peint représentant une grappe de raisin, permet aux archéologues d'imaginer que cette activité viticole devait être présente ici. D'autre part des traces de fosses de plantation au nord-est de la villa traduisent la présence d'un verger antique.
Le plan du bâtiment est assez proche de celui qui borde le côté ouest de la cour agricole de la villa du Grand Mur à Romegoux (Charente-Maritime). Il correspond au type de bâtiment qui organise les cours agricoles de ces villas. Il pourrait donc s'agir d'un bâtiment lié à l'activité agricole sans que la fonction de ce dernier soit définie (grange, grenier, étable...).
Les thermes privés de la villa
Ils se situent au sud du bâtiment (exposition sud permettant une meilleure exposition au soleil). Le complexe thermal se compose de 2 salles chauffées : un tepidarium (salle tiède) et un caldarium (salle chaude). L'hypocauste (système de chauffage par le sol) était alimenté par un four. Les salles chauffées reposent sur des pilettes en terre cuite.
L'ensemble thermal a subit un remaniement important lors d'une deuxième phase d'occupation. L'espace a été embelli et agrandi avec l'aménagement d'une baignoire froide rectangulaire et d'une douche hexagonale.
A proximité des thermes, à l'extérieur de la villa, un puits d'une profondeur de 5 mètres (avec un niveau d'eau de 2m40) devait être destiné à alimenter en eau la chaudière et les baignoires des thermes.
L'exposition des découvertes
A deux pas du chantier de fouilles, au moulin à eau de Chez Bret, sont exposées les découvertes du site. Parmi les 250 éléments révélés, des pierres de couleur qui ont probablement orné des bijoux, des bagues, des broches, des parures, des fibules (pinces servant à attacher des vêtements), des cuillères servant à la préparation de cosmétiques, des bouteilles dont l'une, en verre bleu, est somptueuse de par sa taille et sa couleur, des pièces de monnaie, des céramiques, des pots à cuire, des lampes à huile. Mais aussi des éléments de décors comme des morceaux de marbre, de colonnes, des enduits peints retrouvés dans les thermes privés ou la salle d'apparat. Et encore, des outils agricoles servant à la taille, à la culture de la terre ou à l'élevage. Autant d'objets qui parlent du quotidien et des activités d'une exploitation qui comptait 3 550 mètres carrés de bâtiments formant un « U » autour d'un vaste jardin.
Les fouilles et l'étude de la villa gallo-romaine de Jonzac sont menées par Karine Robin et Valérie Mortreuil, archéologues départementales.
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Article Romain Charrier - 24/08/2016 - Fouilles archéologiques sous la direction de l'archéologue Karine Robin
Informations extraites des panneaux d'informations sur le site archéologique et des articles ci-dessous
http://www.sudouest.fr/2015/06/12/l-histoire-locale-se-revele-encore-en-sous-sol-1948940-1368.php
http://www.sudouest.fr/2012/06/17/la-villa-gallo-romaine-livre-ses-secrets-745609-1368.php
https://nicolebertin.blogspot.com/2019/04/jonzac-et-si-la-villa-gallo-romaine.html
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Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
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