Site archéologique
L'Oppidum de Pons, capitale des Santons ?
Les origines de l'occupation humaine à Pons remontent au paléolithique avec la présence d'abris-sous-roche en bordure de la vallée de la Soute et de la Seugne qui ont favorisé la sédentarisation des premiers habitants. Le promontoire rocheux de Pons a été occupé à la protohistoire par les Celtes (Santones) dès la fin du IIe siècle avant notre ère. Un oppidum gaulois de type éperon barré s'est développé, protégé par la construction d'un rempart (murus gallicus) de plus d'un kilomètre de long.
Par Romain CHARRIER - Publié le 16 avril 2017
Vue du parement arrière du rempart lors des fouilles de l'Inrap 2008/2009 © G.Landreau, Inrap
L'oppidum de Pons se situe à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Mediolanon - Saintes - et serait la première capitale des Santones. Ce gros village gaulois est « l'oppidum des Santons de l'indépendance » dès leur arrivée à la fin du IIe siècle avant notre ère. Le site est le centre du pouvoir politique et compte parmi les plus vastes oppida de la Gaule de l'Ouest avec une superficie de près de 100 hectares.
Qu'est-ce qu'un Oppidum ?
Un oppidum (oppida au pluriel) est une formation rocheuse naturelle située sur un lieu élevé, renforcée de murs, de remparts et de fossés ayant un rôle défensif, symbolique et ostentatoire, sur laquelle s'est développée une ville, une agglomération protohistorique, l'époque gauloise. C'est le nom donné par les historiens romains à un type d'agglomération que l'on trouve en Europe occidentale et centrale. L'oppidum est un centre à la fois économique, politique et parfois religieux, qui bénéficie souvent de défenses naturelles grâce à son implantation particulière sur des lieux élevés (collines ou plateaux), des îles, presqu'îles, caps, méandres de fleuves, marais, etc.
Les oppida celtiques connaissent un âge d'or lors des IIe et Ier siècle avant notre ère, au cours de ce que l'on nomme la civilisation des oppida. Ce sont les premières villes de l'ouest de l'Europe. Après la conquête romaine, une bonne partie des oppida sont abandonnés tandis que d'autres continuent leur développement pour donner naissance à plusieurs grandes villes actuelles telles que Poitiers (Limonum), Bourges (Avaricum) ou Besançon (Vesontio).
Une place défensive, symbolique et ostentatoire
L'emplacement a été choisi pour son éperon triangulaire délimité par une forte déclinaison à l’ouest et un cordon de falaise au sud, dominant d'une trentaine de mètres de hauteur la vallée à la confluence de deux rivières, la Seugne et la Soute. Cet éperon sera barré au nord par un rempart de 1200 mètres de longueur, le murus gallicus, devenant une formation défensive et ostentatoire, une marque de pouvoir, un oppidum. Les traces les plus anciennes de l'occupation gauloise datent du milieu du IIème siècle avant notre ère.
Le rempart, qui prend aujourd'hui l'apparence d'un talus massif de 30 mètres de largeur, est fait par des coupes de trois murs parallèles en pierre sèche comblés de masse de terre et d'argile à silex retenu par un poutrage de bois horizontal. Ce rempart a connu plusieurs états de construction :
► un premier édifice de 6,50 mètres d'épaisseur était en usage de 120 à 90 avant notre ère,
► le second édifice de 90 à 60 avant notre ère est un réaménagement du premier, le transformant en murus gallicus avec son parement soigné, lui
faisant atteindre les 10 mètres de largeur.
L'élévation de l'édifice est estimée au minimum à 3,50 mètres. Il était doublé d'un imposant fossé de 8 à 11 mètres de large pour une profondeur sans doute supérieure à 3 mètres. L'ensemble fossé/rempart représentait par conséquent un obstacle de plus de 6 mètres de hauteur sur près de 20 mètres de largeur.
Le mur d’enceinte s’étend sur 1200 mètres, du bord du plateau dominant la Seugne à l'est, jusqu’à la petite vallée de la Soute qu'il surplombe par une pente assez abrupte à l'ouest. Au nord de l’oppidum, une voie gauloise (le chemin Anier) venait de Saintes par les hauteurs, arrivait à Pons par Touvent et devait traverser le rempart par une entrée monumentale (non identifiée à ce jour). Les habitations se trouvaient derrière l’enceinte près de l’entrée, mais l'organisation interne de l'oppidum de Pons demeure peu étudiée.
Le rôle de ce rempart était triple : défensif, ostentatoire et symbolique. Dans la première moitié du Ier siècle avant notre ère, un espace à vocation funéraire apparaît en avant du rempart, à l'extérieur de la ville. La mise en évidence d'une petite nécropole au pied de la fortification de l'oppidum vient accréditer l'hypothèse du rôle symbolique du rempart de l'oppidum gaulois. Il matérialise la limite entre le monde des vivants (l'intérieur de la ville) et le monde des morts regroupés hors de l'enceinte. De nombreux enclos, quadrangulaires ou circulaires ont été observés par photographie aérienne autour de l'oppidum. Certains appartiennent à des ensembles funéraires.
Nouioregon, capitale des Santones ?
L'étymologie de Nouioregon (Novioregum en latin dans les textes) traduit l'importance de ce toponyme. Reg- indique l'idée de pouvoir selon le point de vue unanime des linguistes et nouio- signifie nouveau. Nouioregon serait "le nouveau centre du pouvoir", ce qui induit l'idée de capitale politique. Sur la base des cartes et itinéraires antiques, Pierre Sillières, spécialiste français des voies romaines, a conclu sans difficulté à la nécessaire localisation de Nouioregon à Pons. Les données archéologiques indiquent que l'oppidum de Pons a été occupé à partir de la fin du IIe siècle avant notre ère, soit en même temps que l'arrivée des Santones. L'historien Bernard Petit en déduit que l'oppidum de Pons est la cité de Novioregum sitée par les auteurs antiques (et non le site antique de Barzan). Cette capitale des Santones atteint son apogée à cette époque où d’après l’importance des systèmes défensifs, l’étendue de la zone habitée, la grande quantité d’amphores importées d'Italie, la cité devait avoir une certaine importance politique et une prospérité florissante.
Lorsque les Santones se sont soumis aux armées de Jules César en -52, l'oppidum de Pons perd de son importance. La faiblesse des données archéologiques à Pons à l'approche du milieu du Ier siècle avant notre ère suggère que le centre de pouvoir ait été déplacé ailleurs. Mediolanon, qui existait probablement déjà pendant la période gauloise, deviendra alors la capitale romanisée de la civitas santonum et de la Gallia Aquitania. Novioregum deviendra une petite agglomération gallo-romaine, un vicus, une station étape sur le carrefour de voies romaines reliant Mediolanum à Burdigala et Vesunna.
La petite cité se développera au cours du Moyen-Âge avec l'essor du christianisme en Saintonge, devenant une étape importante sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. Son nom alors attesté évoluera de Pontus, Pontem, Ponto au XIIe, Ponte au XIIIe, Pontz au XIVe, pour arriver à Pons aujourd'hui. Le nom de la ville serait issu du bas latin Pontes, pluriel du latin pons, signifiant «les ponts», symbolisant sa fonction de passage sur la Seugne.
La présence d'un oppidum à Pons était supposé depuis la fin du XIXe siècle. L'expansion urbaine des années 1970-1980 ont permis de confirmer la présence d'habitats et de la fortification gauloise sans qu'aucune fouille n'ait été entreprise. En 2008 et 2009, la construction de maisons avenue de l'Assomption offre aux archéologues de l'Inrap l'occasion unique d'étudier l'architecture et l'histoire d'un fragment du rempart. Les récents sondages et fouilles préventives ainsi que les découvertes anciennes confirment la présence d'une zone d'habitation étendue.
La zone d'habitat de l'oppidum
La zone d’habitat à l’intérieur de l’oppidum a été estimée à 8 hectares d’après une dizaine de découvertes (voir carte plus haut), l'oppidum faisant pourtant 100 hectares. En 2013, la société HADES a réalisé une fouille préventive sur la rue d’Aquitaine, mettant au jour des niveaux de sol, des fosses, des silos, des fossés orthonormés, le tout constituant les structures d'une occupation domestique.
Les céramiques, la parure métallique et les monnaies ont permis une datation entre 150 et 80 avant notre ère, voire 200 à 150 avant notre ère selon certaines céramiques et amphores. L’occupation de l’oppidum ne semble pas aller au delà du début du Ier siècle avant notre ère (-80), un abandon de l’oppidum de Pons peut-être au profit de celui de Saintes.
Par comparaison des céramiques et des amphores, un parallèle a été établi avec l’oppidum de Vil-Mortagne, soit une occupation contemporaine sur une courte période. Le site de Mortagne-sur-Gironde aurait pris son essor au moment où le site de Pons est peu à peu abandonné.
Monnaie gauloise retrouvée lors de la fouille préventive © Hadès
Fibule de Nauheim retrouvée lors de la fouille préventive © Hadès
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Reportage de l'Inrap - Aux IIème & Ier siécles avant notre ére, l'oppidum de Pons compte parmi les plus vastes oppida de la gaule de l'ouest. En 2008 et 2009, la construction de maisons particulières a offert aux archéologues de l'Inrap l'occasion unique d'étudier l'architecture et l'histoire de ce monument.
Article Romain CHARRIER - 20 juin 2015 - MAJ 07/01/2018
Sources : Guilhem LANDREAU, L'oppidum gaulois de Pons (Charente-Maritime), apport des recherches récentes (2005-2011)
Bernard Petit, Santones, migrations cimbriques et peuple Santon - 2016
Louis LASSARADE, Le site gaulois de Pons, dans Archéologie pontoise, 1970
Louis LASSARADE, L’oppidum de Pons, Revue de la Saintonge et de l’Aunis, 1978
Lassarade L., L'oppidum de Pons, Actes du VIIIe colloque sur les Ages du Fer en France non méditerranéenne, Aquitania, supp. 1, 1986, 123-138.
Maurin L., Pons, Carte archéologique de la Gaule, 17/1 la Charente-Maritime, Paris, 1999, 219-226.
Ouvrage collectif sous la direction de Jean COMBES, La Charente-Maritime – L’Aunis et la Saintonge des origines à nos jours, éditions Bordessoules, 1981
Camille GABET, Le site gaulois de Pons, dans Celticum XV, 1966
Fouilles préventives d'HADES - 2013 - rue d'Aquitaine à Pons - Responsable Julien COUSTEAUX
http://www.inrap.fr/le-rempart-monumental-d-un-oppidum-en-charente-maritime-4993#
http://oppida.org/page.php?lg=fr&rub=00&id_oppidum=90
http://www.histoirepassion.eu/?+Un-rempart-gaulois-decouvert-a-Pons-17+
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