Les celtes
L'homosexualité chez les gaulois
Elle est retranscrite par les auteurs antiques, développée chez les guerriers celtes comme un amour fraternel, peut-être inspirée des grecs. La pratique est traditionnelle et émancipatrice. C'est aussi une sorte de passage initiatique à l'âge adulte pour les jeunes hommes.
Par Romain CHARRIER - Publié le 13 mars 2016
Le Gaulois mourant, marbre du IIIe siècle avant notre ère, exposé au musée du Capitole à Rome
Les Celtes, que les Romains appelaient les Gaulois, étaient un ensemble de peuple évolué, structuré, hiérarchisé, très avancé dans l'artisanat et productif en agriculture. L'archéologie moderne nous a démontré qu'il ne s'agit pas de barbares contrairement aux idées communément reçues. Cette civilisation était organisée en provinces avec de fortes identités et les multitudes de peuples qui les formaient se jouaient d'alliances, commerçaient et se faisaient parfois la guerre les uns aux autres pour des objectifs de conquête de territoire, de domination et de pouvoir. Nous avons affaire à un peuple de guerriers où chaque homme se devait d'y tenir un rôle militaire. Ils étaient reconnus pour être surentraînés, courageux, braves et n'ayant pas peur d'affronter la mort (celle-ci n'étant qu'une étape vers une autre vie). Ils pouvaient partir en campagne militaire pendant des mois, voire vendre leurs talents de mercenaires à d'autres peuples tels que les Grecs (Alexandre le Grand a profité de leur adresse pendant ses campagnes militaires). La question à se poser à ce stade de lecture est : Pourquoi parler des guerriers celtes pour un article sur l'homosexualité chez les gaulois ? A votre avis...
Ce que disent les auteurs antiques sur l'homosexualité des guerriers celtes
C'est Aristote, au IVème siècle avant notre ère, et dont son élève Alexandre le grand était allié et ami des Celtes, qui nous présente ce peuple de guerriers comme des pédérastes, ce qui à ses yeux est un éloge. Il nous explique que grâce à cette habitude, ils échappent à la "domination des femmes qui est le fléau des Etats", propos qui passeraient pour misogynes de nos jours : "La conséquence nécessaire, c'est que, sous un pareil régime, l'argent doit être en grand honneur, surtout quand les hommes sont portés à se laisser dominer par les femmes, disposition habituelle des races énergiques et guerrières. J'en excepte cependant les Celtes et quelques autres nations qui, dit-on, honorent ouvertement l'amour viril. C'est une idée bien vraie que celle du mythologiste qui, le premier, imagina l'union de Mars et de Vénus ; car tous les guerriers sont naturellement enclins à l'amour de l'un ou de l'autre sexe".
Quelques siècles plus tard, Diodore de Sicile confirme l'existence de l’homosexualité chez les gaulois, avec une appréciation différente : « Les Gaulois ont de jolies femmes, mais ils approchent d'elles très rarement ; ils ont une préférence passionnée pour les embrassements immoraux des mâles. Chose incompréhensible ! Sans aucun respect pour leur dignité, ils livrent sans résistance leurs beaux corps à d'autres hommes ; ils ne considèrent pas cette faiblesse comme honteuse ; ils offrent même leurs faveurs, et, quand on ne les accepte pas, ils considèrent le refus comme une injure ».
Strabon quant à lui, au Ier siècle de notre ère, nous explique plus brièvement que : « Chez les Celtes on ne considère pas comme honteuse pour les jeunes gens le fait qu'ils laissent un autre homme abuser de la fleur de leur âge ».
Athénée au IIIème siècle tient les mêmes propos que Diodore : « Quoique les Celtes, un des peuples barbares aient de très belles femmes, ils leur préfèrent les jeunes garçons ».
Un amour viril et une pratique initiatique
De ces témoignages antiques on peut en tirer deux interprétations : un amour viril entre hommes d'une part, et des relations avec des jeunes hommes non pubères lorsque qu'on entend parler de "fleur de leur âge" ou de "préférence pour les jeunes garçons". Ces pratiques sont à rapprocher de ce que l'on sait des modes d'éducation dans la Grèce antique où l'apprentissage des jeunes éphèbes passe par l'acte sexuel avec un homme mûr et d'expérience pour devenir à son tour un homme, soit une sorte de pédérastie éducative, rite social de passage, où l'enfant presque adulte, élevé par les femmes, s'émancipe pour devenir un homme et ainsi échapper à la domination féminine qu'Aristote qualifie de "fléau des Etats". Il s'agirait donc également pour les jeunes celtes d'une pratique initiatique permettant d'accéder à l'âge adulte, voire au rang de guerrier. Tous ces auteurs soulignent que cette pratique était commune et que les jeunes garçons s'y livraient volontairement.
Revenons à Aristote, dans son ouvrage la Politique, qui voit l'homosexualité comme de l'amour viril entre guerriers Celtes adultes. Il nous parle d'une conduite honorable pratiquée ouvertement et qui leur permettait d'échapper à la domination des femmes. Outre le rite de passage, le jeune Celte devenu un homme pouvait continuer la pratique de l'amour viril avec ses frères d'armes lors des campagnes de guerre, sans être mal vu au sein de son armée. Peut-être que cette accointance renforçait les liens fraternels entre les guerriers, ce qui pouvait être un atout lors des batailles.
Une bisexualité décomplexée, traditionnelle et émancipatrice
Enfin, il n'est pas fait mention dans les textes cités d'une homosexualité exclusive. Il est tout à fait probable que le guerrier gaulois s'adonnant à ces pratiques possédait également une femme officielle. Ce type de relation s'apparente donc plus à une forme de bisexualité décomplexée, traditionnelle et initiatique. Le gaulois était ouvert et sexuellement pragmatique : le plaisir avant le combat, la jouissance avant la mort possible. Qui sait, peut-être qu'Astérix et Obélix étaient plus que de simples amis et que leur vie en commun avec leur bichon maltais était tout à fait tolérée par la communauté gauloise.
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Article de Romain CHARRIER - 13/03/2016
Sources :
Aristote, la politique, II, 1269b
Diodore de Sicile, Histoire Universelle, V, 21
Strabon, Géographie, III, 4, 6
Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, XIII, 79
Jean Markale, Amour et sexualité chez les Celtes, éditions du Relié, 2012.
Pierre Godard, l'homosexualité chez les Celtes: Une société sans péché ni tabou
Didier Godard, Deux hommes sur un cheval, H&0, 2003
Robert Graves, les Mythes celtes, la Déesse blanche, éditions du Rocher, 2007
Bernard Sergent, Celtes et Grecs I & II, bibliothèque scientifique Payot
http://arbre-celtique.com/encyclopedie/homosexualite-5628.htm
Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
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